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«Pour que personne ne puisse plus dire "je ne savais pas"»
«Paroles de torturés, Guerre d'Algérie 1954-1962», de Jean-Pierre Guéno
Publié dans La Tribune le 05 - 07 - 2011

A la veille de la célébration du 49e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie, qui coïncide avec le 5 juillet de chaque année, l'écrivain et éditeur français Jean-Pierre Guéno publie un livre d'une importance capitale sur ce qu'était l'atrocité de l'armée coloniale, des officiers militaires français qui avaient trouvé le moyen de justifier la pratique de la torture durant sept ans de guerre sanglante. L'auteur de Paroles de torturés, guerre d'Algérie 1954-1962, qui vient de sortir chez les éditions Jacob-Duvernet en France, a tenté de réunir un maximum de documents (lettres, articles de journaux, discours officiels, etc.) pour «rappeler, comme il le dit, ces douleurs et ces crimes, afin de bâtir un monde où la torture serait bannie, où il n'y aurait plus ni victimes ni bourreaux». Réunis dans un ouvrage de presque trois cents pages, ces témoignages «composent aujourd'hui, plus de 50 ans après la tragédie qu'ils illustrent, le reflet de la conscience des hommes de bonne volonté» qui s'étaient fermement opposés à la pratique de la torture lors des interrogatoires effectués par l'armée ou la police française entre 1954 et 1962. De simples appelés ou officiers de haut rang au sein de l'armée française, des journalistes ou des écrivains engagés et des citoyens anonymes, chacun avait voulu apporter son témoignage par écrit, dans un «ultime élan d'humanité» ou par devoir de dénoncer des pratiques inhumaines dignes de la Gestapo. Ainsi, de grandes signatures de l'époque, à l'exemple de Claude Bourdet de L'Observateur (journal français créé en 1950 devenu aujourd'hui Le Nouvel Observateur), ont noyé leur plume dans l'encrier pour dénoncer le sang qui coulait en Algérie. Ce grand résistant contre l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale n'a pas hésité une seule seconde à user du terme Gestapo pour parler de la police des renseignements généraux d'Algérie à l'époque des faits. Ce journaliste s'est appuyé sur les témoignages des «Musulmans d'Algérie» qui se faisaient «fracasser les mâchoires» dans les locaux de la villa Mahiedinne à Alger (siège de la police des renseignements français), pour justifier l'usage de ce vocabulaire. La description faite des Algériens torturés dans les locaux de la police française est «convaincante pour un homme connaissant l'atmosphère des locaux de la Gestapo. Il y a des détails qu'il faut avoir vus soi-même (…)», avait écrit Claude Bourdet dans L'Observateur le 6 décembre 1951, c'est-à-dire trois ans avant même le début de la guerre le
1er novembre 1954. Dans un autre article signé quatre ans plus tard, le 13 janvier 1955, Claude Bourdet avait décrit avec force détail les sévices infligés aux prisonniers algériens avant de leur faire signer «à demi-morts» des aveux qu'ils n'avaient pas faits. Mais l'usage du mot Gestapo a été rejeté par Guy Mollet, à la fois secrétaire général du Parti socialiste (PS) et président du conseil à l'époque des faits. M. Mollet était allé jusqu'à même justifier le recours à la torture pour avoir des informations sur les militants du FLN et les combattants de l'ALN. «On a comparé (…) le comportement de l'armée française à celui de la Gestapo. Cette comparaison est scandaleuse». Pour le premier responsable du PS, les dépassements enregistrés en Algérie, en parlant de tortures, «pourraient se compter sur les doigts de la main». Ces propos sont vite contredits un mois plus tard, en mai 1957, par Eliane Goutron (chrétienne catholique) dans le quotidien français Le Monde, un journal qui, sous la responsabilité de Hubert Beuve-Méry, avait «brisé le mur du silence» et ouvert grand les yeux à ceux qui ne savaient rien sur les exactions commises par la France coloniale pour pérenniser sa présence en Algérie. Cette «sœur» a rencontré Djamila Bouhired dans la prison d'Alger et a donc fait part au journal Le Monde du témoignage de cette dernière. Djamila Bouhired a également adressé un courrier au directeur du quotidien français en lui narrant la nuit du 17 au 18 avril 1957 les détails de sa détention et les tortures auxquelles elle a été soumises par les parachutistes du général Massu. Un des rappelés de la guerre d'Algérie, le caporal R., du 2e bataillon étranger parachuté, a apporté lui aussi un démenti cinglant à Guy Mollet en affirmant que «s'il existe un jour un nouveau tribunal de Nuremberg, nous (les Français) serons tous condamnés : des Ouradour, nous en faisons tous les jours». Dans La Semaine religieuse d'Alger, un bulletin de l'Eglise catholique en Algérie, l'archevêque Léon-Etienne Duval a écrit ceci : «Le premier pas de l'action punitive, l'arrestation, ne peut obéir au caprice mais doit respecter les normes juridiques. Il n'est pas admissible que l'homme le plus irréprochable puisse être arrêté arbitrairement et disparaître, sans plus, dans une prison. (…) L'instruction judiciaire doit exclure la torture physique ou psychique.» Dans une lettre de plusieurs pages, adressée au directeur du journal Le Monde, un soldat français répondant aux initiales A. T. arrive à la conclusion qu'il était de son devoir et du devoir de tous de «lutter contre toutes les exactions qui ont eu lieu en Algérie sous le couvert du drapeau français». Une autre courte lettre adressée par Benoist Rey, le mois d'octobre 1961, au journal français Vérité-Liberté, résume toute la tragédie qu'a vécue le peuple algérien durant sept ans de guerre sanglante. «Le chant du déshonneur», c'est ainsi qu'il avait intitulé son texte où il racontait ceci : «Je n'oublierai jamais l'écartèlement algérien, aux quatre vents de l'agonie. Ni les enfants, dans les ruines, cherchant qui pleurer. Ni les hommes, fusillés à l'aube, égorgés la nuit, entre les murs de la honte. Ni les femmes violentées, ni le hideux sourire du suborneur, mon camarade. Je n'oublierai jamais les incendies dans la montagne, les agneaux éventrés, au hasard de la cruauté. Ni les pistes de haine, les cortèges de douleur. Ni le regard faux des chefs, ordonnateurs de massacres. Ni leur rire devant la torture, la bastonnade, la mutilation. Dépassant l'arbitraire de l'absurde, je n'oublierai jamais ce que fut notre guerre, la guerre de nos vingt ans. Faire la guerre, c'est être moins qu'un homme et bien plus qu'un salaud.» En donnant la parole à tous ces personnages anonymes, à ces hauts officiers de l'armée française ou à de simples appelés qui, à vingt ans, auraient sûrement profité de leur jeunesse à s'amuser et à voyager, certains journaux français comme Le Monde, L'Observateur ou encore Vérité-Liberté et les bulletins des missions chrétiennes catholiques en Algérie ont aidé à faire éclater la vérité sur la pratique de la torture en Algérie. La publication donc de ces textes, par Jean-Pierre Guéno, à un an du quinquénaire de l'indépendance de l'Algérie, aide en fait à reconstituer une partie du puzzle de ce qu'était la guerre d'Algérie. Afin que personne n'oublie et pour que personne ne dise «je ne savais pas».
L. M.
Paroles de torturés, Guerre d'Algérie 1954-1962, Jean-Pierre Guéno, aux éditions Jacob-Duvernet, Paris, mars 2011.


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