De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Dans les régions côtières, les enfants apprennent très tôt à piquer un plongeon dans la grande bleue. La proximité de la mer incite naturellement à en faire la découverte. Mais avant d'oser ce saut dans l'infini, on fait généralement ses premiers pas dans les eaux douces des oueds, des lacs et des barrages. Question de psychologie infantile. Durant les années 1970 à Béjaïa, les petits de la région du Sahel se ruent dès les premières chaleurs du mois de mai sur l'Agrioun. Tous les bassins rocheux qui jalonnent la rivière débordent alors d'enfants en tenue d'Adam qui, tels des têtards, font leur apprentissage dans la bonne humeur. Faute de sous-vêtements et de tenues adaptées, on nageait nu, sans complexe ni mauvaises idées derrière la tête. On le faisait, en contrevenant souvent aux consignes parentales. Il est vrai qu'à cette époque la pollution n'existait pas encore. Dans tous les ruisseaux, on trouvait des grenouilles, des crabes, des anguilles et même des sardines. Dans la Vallée, c'est le «cours» de la Soummam que les enfants suivent assidûment pour faire aussi leurs premiers pas. Adolescent, on est déjà suffisamment grand et bien préparé pour passer à la mer sans crainte de prendre des gorgées d'eau salée. On y va en groupes durant les saisons chaudes (printemps, été et automne) pour d'interminables séances de nage qui ont à ce jour le goût du pain à la tomate. On le fait pour se soustraire à la chaleur et pour le plaisir aussi. Il y avait d'excellents nageurs et des moins bons, mais personne n'avait l'ambition de la performance sportive. Passée la parenthèse estivale, on change immédiatement de hobbies. Curieusement, dans ces régions côtières, où l'on apprend tôt à se mouvoir dans l'eau, la discipline de la natation est souvent peu développée. Dans ce registre, les grands athlètes algériens sont généralement issus des villes de l'intérieur du pays comme Sétif, Tizi Ouzou ou Constantine. C'est autour des piscines municipales que les premiers clubs de natation ont vu le jour. Dans les villes du littoral, l'Etat n'avait pas construit assez tôt les infrastructures adéquates. Pour reprendre l'exemple de la ville de Béjaïa, la seule piscine semi-olympique disponible a été aménagée au complexe OPOW, à proximité de l'université Abderrahmane Mira, au milieu des années 1990. Les étudiants étaient les premiers à s'abonner à cet établissement pour des exercices de mise en forme et de décompression. Les associations de malades s'y sont également inscrites pour offrir une hygiène de vie correcte à leurs adhérents. Les deux clubs de natation que compte la ville – l'OCB et le NCB, en l'occurrence – ont vu le jour dans le même sillage. Dans toutes les autres villes de la wilaya, pas d'autres piscines. Ce problème d'infrastructure retarde assurément le développement de la natation en tant que discipline sportive. Pour inculquer la technique aux jeunes athlètes, ce type d'équipement est indispensable. Le moniteur a évidemment besoin de conditions de travail adéquates. Il n'est pas pratique de dispenser cet enseignement au bord de la mer et dans l'oued. Prenant visiblement conscience de ce déficit, les autorités viennent de projeter la réalisation d'une seconde piscine semi-olympique au complexe sportif de Souk El Thenine. Il faut aussi réfléchir à faire de même à Akbou, Kherrata, El Kseur ou Tazmalt. Pour couvrir convenablement les besoins d'une population qui dépasse légèrement le million, il faut au moins une dizaine de piscines répondant aux normes sportives. Le potentiel existe. Il suffit juste de le valoriser.