A Hydra, au Bois-des-Pins, on n'a pas abattu seulement des arbres dont quelques centenaires de bonne futaie. On a fait pire et pas seulement dans l'ordre du symbolique. Il y a donc plus que des signes à décrypter dans la répression policière, brutale et disproportionnée, des actions de protestation des locataires de la Cité éponyme et les premiers coups de pioche opérés de manière opaque et subreptice pour y construire un parking de voitures. Il faut y lire, au premier chef, un mouvement d'écologie résistante et les expressions urbanistiques d'un aménagement du territoire autoritaire et d'une politique bureaucratique de la ville, frappée du sceau de la déshumanisation des espaces urbains. Mais il n'y a pas que cela. A Hydra, d'un point de vue purement technique, il s'agit, selon la wilaya d'Alger, maître d'ouvrage, de l'édification d'un parking à étages, dans le cadre d'un plan de construction de 7 bâtiments analogues dans Alger intra muros. Justement, c'est ce que refusent, avec une énergie du désespoir déterminée, les 5 000 habitants de la cité. En effet, pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante, des Algériens, ici des Algérois, revendiquent fort un droit fondamental, celui de préserver leur environnement et de sauvegarder leur cadre de vie. Non sans subir les foudres de l'Administration par policiers agressifs interposés. Dans ce cas précis, l'Administration a d'abord violé les articles 40 et 63 de la Constitution inhérents à l'inviolabilité du domicile, aux perquisitions sans ordre émanant de l'autorité judiciaire compétente et, ce qui est plus répréhensible, n'a pas respecté le droit à l'honneur, à l'intimité et à la protection de la famille. Elle a ensuite méprisé les locataires qu'elle n'a pas préalablement consultés, dédaignant alors les enquêtes publiques commodo et incommodo qui permettent de connaître les avantages et les inconvénients d'un projet. En ignorant ainsi les locataires, l'Administration a piétiné au bulldozer ce principe de consultation qui est le degré zéro de la démocratie participative. Pis encore, incapable d'envisager et de comprendre la ville, l'Administration s'est mise en porte-à-faux par rapport au programme du président de la République en matière d'urbanisme. A la veille d'être réélu pour un troisième mandat, le chef de l'Etat s'était montré convaincu que «la politique d'aménagement du territoire, contribuera à l'amélioration des conditions du cadre de vie de la population (…), à une meilleure occupation de l'espace». Sa foi était que «le développement et la gestion des villes seront améliorés grâce à une politique dynamique d'urbanisme». Philosophie totalement à l'opposé de l'aménagement du Bois-des-Pins, tel qu'il est actuellement conduit, à la hussarde, et au mépris du respect de l'environnement et de la nécessité de sauvegarder au moins le cadre de vie des locataires. Or, les travaux de terrassement ont détruit les canalisations d'eaux usées qui se déversent à ciel ouvert, menaçant gravement la santé des habitants de la cité. Au péché de l'autoritarisme, l'Administration a, de surcroît, ajouté le crime écologique. Celui de priver une Alger en décrépitude, surpolluée et hyper bétonnée, d'un de ses rares poumons d'oxygénation. Alger étouffe. On le sent, tous les matins et tous les soirs. Elle est asphyxiée autant par l'automobile que par une bureaucratie médiocre dont le génie bâtisseur a consisté à édifier d'immenses cités-dortoirs, plaies urbanistiques purulentes aux marges de l'agglomération. Cités d'entassement et de relégation. Et, horreur suprême, laboratoires féconds de la désocialisation. Une bureaucratie qui sait en revanche comment utiliser le mètre d'arpenteur pour permettre à la nouvelle bourgeoisie d'aménager ses propres espaces censitaires, de récréation. Au cœur même de la ville ou dans les lotissements d'excellence, ceux qui permettent d'éloigner les manants et autres indésirables. A Alger, ville blessée, agressée, amputée, démolie, avachie et menaçant ruine en maints espaces, les paysages et les formes de la métropole sont autant d'expressions spatiales d'une politique bureaucratique mais aussi d'un exercice du pouvoir. N. K.