Photo : Sahel Par Fodhil Belloul De Moharrem à Dhou El Hidja, les Algériens ne trouvent plus le temps de se réunir, de communier. Chaque frange de la société, parfois chaque membre d'une même famille, se trouve enfermé dans ses préoccupations, ses propres désirs ou manques, et les aspirations communes, les vecteurs de cohésion, se font rares ou trop latents pour être visibles. Il arrive cependant qu'un évènement privilégié vienne rompre cette monotonie. Ramadhan alors ? Certainement, mais il en existe un autre. Et il peut susciter les plus grands enthousiasmes, provoquer les plus mémorables liesses. Nous pensons évidement au football. Aux joies particulières que ce sport a pu donner aux Algériens. Nul besoin de s'attarder sur les causes de ce «miracle». Et d'ailleurs, l'explication du profond lien social que ce sport a pu tisser entre nous n'est pas à chercher dans un manuel. Il suffit pour comprendre, de cultiver une mémoire, c'est-à-dire de poser la question à nos aînés. Ils nous diront sans doute combien l'histoire d'un club est liée à un quartier, à une ville. Et surtout comment le football a accompagné l'histoire de la lutte pour l'Indépendence, et les premières années de souveraineté retrouvée. Les moins laconiques nous diront encore à quel point les victoires ont allégé la dure réalité coloniale, et celle d'après d'ailleurs. Mais il faut faire vite, car nos aînés, à force d'être mis à l'écart, risquent de ne plus nous répondre, et d'emporter avec eux les derniers témoignages d'une pratique qui a pu porter les valeurs les plus nobles. Autre époque, autres mœurs. Et l'exemple d'Abdelkader Zerga, de l'oubli qui recouvre son nom, et ce, malgré son indiscutable gloire footballistique, témoigne hélas d'un délabrement sinon d'une crise au sein de nos institutions sportives et plus profondément, d'une désorientation morale, s'il est permis de le dire ainsi, dans notre société. Nous avons voulu samedi dernier, à la Tribune, pour la deuxième soirée de notre kheïma de solidarité, poursuivre l'effort entamé pour ce mois de Ramadhan en conviant Abdelkader Zerga à nous honorer de sa présence afin de pouvoir, à notre tour, l'honorer comme il se doit. Par pudeur on ne s'attardera pas sur la situation de l'ancien gardien du MCA, de l'USMA et de l'équipe nationale dans les années 1960 et 1970, on dira juste qu'il a été hospitalisé il y a une année à peine pour subir une amputation de la jambe. Ce qu'il convient de retenir avant tout, c'est la joie et l'émotion du vénérable monsieur assis à l'intérieur de la kheïma aux côtés de Abdelaziz Derrouaz, ancien ministre des Sports. «Kount ragued ou fiektouni» (je dormais et vous m'avez rendu à la veille), a-t-il déclaré d'une petite voix. Et le silence qui régnait dans l'assistance au moment où Abdelkader Zerga fut honoré était un signe que l'émotion avait pris tout le monde à la gorge. Même les jeunes du quartier de Lafarge et des alentours, plus enclins, et il faut les comprendre, à extérioriser leur joie et leur énergie, ont prêté l'oreille aux mots de notre invité. «Nous avons joué avec notre âme et notre cœur pour notre pays», paroles qui dans la bouche de M. Zerga, avaient un tout autre poids et signification.Cet hommage venait à point nommé. Comme pour la première soirée, ce fut à Abdelmadjid Meskoud d'assurer l'animation de la veillée. Mais auparavant, vers 23 h, nos jeunes invités, les plus expressifs, venus en nombre important aux côtés des familles, ont pu se donner à cœur joie en dansant sur les rythmes endiablés de la Zorna El Hadi. Les émules de Boualem Titiche, gracieusement vêtus d'habits traditionnels et de toques rouges ont su, dès les premières notes, briser la glace et entraîner une partie des présents dans de véritables rondes de danse. Au bout du compte, même les plus anciens ont fini par exécuter quelques déhanchés.L'entrée en scène de Abdelmadjid Meskoud fut bien différente que celle du premier soir. C'est en mode Zidane que fut exécutée la première entame. La gamme était plus grave, et l'ambiance invitait plus à la méditation. Quoi de mieux que de méditer sur un lourd et envoûtant Nesraf dans ce cas. «Ya sahib al ghamama ya dhya aâniya» («Ô Protégé par le nuage, lumière de mes yeux»), un oratorio à la gloire du Prophète. Quoi de mieux aussi que de continuer avec un des plus beaux, des plus imagés, des Kssid de Ben Mssayeb «Mahboubi Zahw Mnaya» (Mon aimé, joie de mes aspirations). On l'aura compris, Abdjelmadjid Meskoud aura mis ce soir-là, un point d'honneur à diversifier son répertoire. Et il le fut. «Hadj aâlya wahch ersoul», «Zawedna fi hmak ya nour el houda Taha», «Lakyetou Habibi», furent autant d'hymnes d'amour mystique. La soirée s'est achevée par des rythmes plus effrénés, et l'artiste n'a pas manqué de sourire en voyant ces jeunes, et moins jeunes d'ailleurs, pris dans le tourbillon du heddi, réponse spontanée du mkhiless annonçant la fin du spectacle.