L'Aïd El-Adha correspond au dixième jour du mois de Dhou l'Hidja. Dixième jour d'un mois lunaire, on prévoit nécessairement sa date, dix jours avant son avènement. Le ministère des Affaires religieuses a avancé, une première fois au sens figuré, la date de commémoration du sacrifice d'Abraham, avant de l'avancer, au sens propre, au jeudi 20 janvier. Le résumé des deux communiqués successifs donne, à peu près, ceci : - communiqué N° 1 du mercredi 12 janvier : “Le croissant n'a pas été observé le lundi 29 Dhou El-Qaâda 1425, correspondant au 10 janvier 2005. Donc, le premier Dhou El-Hidja ne correspond pas au lendemain mardi 11 janvier, mais au lendemain, mercredi 12 janvier. Et le 10 Dhou El-Hidja correspondra alors au 21 janvier.” - Communiqué N°2 du samedi 15 janvier : “Le croissant a finalement été observé à Bouira et El-Oued, ce lundi-là, 29 Dhou El-Qaâda correspondant au 10 janvier 2005. Donc, le premier Dhou El- Hidja correspond bien au mardi 11 janvier. Et le 10 correspondra alors au jeudi 20 janvier.” Chacun des communiqués précise que le regroupement des hadjs sur le mont Arafat, couronnement du parcours du pèlerin, aura lieu la veille de l'Aïd El- Adha, soit le 20 janvier pour le premier communiqué, et le 19 janvier pour le second. Un peu comme si la date de cet événement dépendait de l'observation du croissant en Algérie. On ne sait pas si les commissions d'observation du croissant des wilayas de Bouira et d'El-Oued ont omis de transmettre leurs procès-verbaux avant samedi ou si, le ministère a refusé, dans un premier temps, de les prendre en compte. Toujours est-il qu'il y a, à l'évidence, une volonté de corriger, après coup, sa cadence, un peu comme un danseur ou un marcheur rectifie son pas quand il se rend compte qu'il n'a pas respecté la mesure. Dans ce cas, c'est l'Arabie Saoudite qui donne la mesure. Dans le système wahhabite, ce n'est pas la religion qui s'ingère dans le domaine politique ; c'est le politique, c'est-à-dire le pouvoir monarchique absolu qui régente le culte jusque dans le détail rituel. Déjà agréée comme gardienne des Lieux Saints, la dynastie des Ibn Saoud tente d'imposer son hégémonie en s'érigeant comme détenteur de l'orthodoxie islamique. Serviteur des Lieux Saints et de l'Islam, il asservirait les musulmans par ses autoritaires prescriptions. L'Algérie, contrairement à d'autres régimes musulmans qui, pour des raisons tout aussi politiques, font de la réfutation des édits saoudiens un principe, les responsables algériens semblent s'aligner machinalement sur les directives cultuelles de l'Arabie. Quitte à s'imposer quelque grotesque gymnastique procédurale. Ainsi, cette histoire de ministère qui a vu —en retard— l'homme qui a vu le croissant. Il faut sûrement beaucoup de culot, et le sens de la distance, pour rédiger un contre-communiqué qui précise que, finalement, quelqu'un a vu la Lune de la Terre quand, la veille, on a pu voir les photographies de Titan, la lune de saturne, instantanément parvenues de quatre milliards de kilomètres plus loin. M. H.