Les familles des marins algériens otages des pirates somaliens ne baissent pas les bras malgré le mépris flagrant affiché par les autorités à leur égard. Hier encore, les proches des dix-sept otages ont tenu un rassemblement à la Place des Martyrs, pour solliciter l'adhésion des citoyens qui ignorent, pour leur écrasante majorité, tout de cette affaire. La raison en est toute simple : le seul canal officiel d'information, l'ENTV pour ne pas la nommer, fait l'impasse sur une question aussi sensible que cette prise d'otage qui dure depuis 8 mois. Les deux seules fois où l'Unique s'est manifestée, ce fut au lendemain de la prise d'otage, le 2 janvier 2011, pour l'annonce de la macabre nouvelle, et tout récemment pour relayer la voix officielle en disant que l'Etat est mobilisé en vue de faire libérer les marins. Nombreux étaient les citoyens qui se sont massés autour des familles qui se sont dits surpris qu'ils n'en apprennent rien de cette prise d'otage ; les Algériens, surpris par le manque de professionnalisme de la télévision et des radios publiques (hormis la Radio algérienne internationale, la seule à avoir ouvert ses ondes aux familles des marins), ont tenu à dénoncer cet état de fait. Un taxieur se surprend même à lire sur une pancarte brandie par les proches sur laquelle est écrit «pour la libération des marins algériens pris en otage en Somalie». «Des Algériens en Somalie ?», s'est-il interrogé. Et ils sont fort nombreux à se poser cette question. «Lorsque deux journalistes français étaient pris en otage par les talibans, toute la France s'est mobilisée pour leur libération. Officiels et simples citoyens, amis et proches des deux envoyés spéciaux d'une chaîne publique française, se sont mobilisés des mois durant. Même si l'on est passé par des moments de doute, la mobilisation a fini par payer. Pourquoi dans le cas des 17 marins, personne ne s'en soucie ?», s'indigne une femme, originaire de la capitale, venue spécialement prêter main forte aux familles en ce mois de la miséricorde. Réagissant au récent démenti du ministère des Affaires étrangères à propos du décès d'un des marins, sur lequel des zones d'ombre subsistent. En cause : les proches des marins n'y croient guère, ils exigent des garanties quant au fait que les otages algériens sont sains et saufs. «Nous demandons à ce que nous soyons mis en contact avec nos proches ; le démenti des AE ne nous rassure point. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, nous ne les croyons plus !», dénonce Fawzi Aït Ramdane, fils d'un des marins. Le jeune homme qui a sacrifié sa dernière année d'études à l'université pour se consacrer à la cause de son père et de ses 16 collègues, en appelle à la solidarité citoyenne, seule alternative à même de faire pression et sur les pouvoirs publics et sur l'armateur jordanien, officiellement seul habilité à négocier avec les ravisseurs. Après leur avoir promis de faire tout pour que les marins soient libérés dans les meilleurs délais, avant le mois de carême, les jordaniens tournent aujourd'hui le dos aux malheureuses familles, dont la détresse ne peut être ressentie que par leurs concitoyens. C'est dans ce sens que s'inscrit la démarche des familles : toucher le maximum de citoyens et les sensibiliser sur cette affaire. «S'il reste encore un minimum de dignité chez les Algériens, qu'ils rallient notre cause. Ils sont notre seul soutien», affirme le jeune Fawzi. Ce dernier réitère la mobilisation des familles «jusqu'à la libération des marins.» Pour cela, elles vont organiser cycliquement des sit-in dans des endroits différents afin de mieux se faire entendre…