Si la Ligue arabe a affiché sa position en faveur de la rébellion libyenne en déclarant désormais le Conseil national de transition (CNT) comme représentant la Libye au sein de l'organisation, l'Union Africaine (UA) ne reconnaît toujours pas la légitimé de l'organe politique de la rébellion libyenne, car les combats se poursuivent dans le pays. S'exprimant au nom de l'UA, le président sud-africain, Jacob Zuma, a appelé hier à la formation, en Libye, d'un «gouvernement de transition incluant toutes les parties et qui serait le bienvenu pour occuper un siège à l'Union africaine», sans mentionner le CNT dans son communiqué, à l'issue d'un mini-sommet à Addis Abeba. «Le CNT est en train de prendre (le contrôle de) Tripoli et ils disent qu'ils ont conquis la ville, mais il y a encore des combats», a relevé M. Zuma, avant d'ajouter : «Donc nous ne pouvons pas dire que c'est la force qui est légitime maintenant.» M. Zuma a estimé que les capitales, parmi lesquelles au moins une dizaine sur le continent africain, qui ont reconnu à ce jour le CNT, «l'ont fait en se fondant sur leur souveraineté» propre. Mais «l'UA est unie sur la position que nous venons de présenter ici», a-t-il poursuivi. Jean Ping, le président du Conseil de paix et de sécurité de l'UA avait quelques heures auparavant affirmé que l'UA favorise «une transition inclusive et consensuelle». Tout en soulignant que «la phase militaire est en train de se conclure en Libye», Jean Ping a souligné «dans la phase nouvelle qui s'ouvre, nous devons rester aux côtés du peuple libyen (...) Il s'agit d'appuyer les efforts pour une transition inclusive et consensuelle». Sur le terrain, des avions britanniques ont bombardé, dans la nuit de jeudi à hier, le QG de la ville natale du dirigeant libyen, Syrte. Selon le quotidien Daily Telegraph, des membres des forces spéciales britanniques sont, également, déployés sur le terrain en Libye, essentiellement pour rechercher le colonel Kadhafi, introuvable. L'aviation britannique a, en outre, détruit dans la matinée de jeudi dernier une des dernières installations de missiles sol-air longue portée du colonel Kadhafi près d'Al Watiyah, non loin de la frontière tunisienne. Dans l'après-midi, des Tornado et des Eurofighters britanniques avaient aussi détruit un noeud de commandement et de contrôle qui restait aux mains du régime sur la route au sud de Tripoli, menant à l'aéroport international. En parallèle, les insurgés tentent d'avancer vers Syrte où ils font face à une résistance inattendue, notamment à Ben Jawad, à environ 140 km à l'est de leur objectif, d'où les forces pro-Khadafi tirent des roquettes. Dans l'Ouest libyen, une grande bataille attend les rebelles qui devront briser l'encerclement par les loyalistes de la ville de Zouara, sur la route stratégique reliant Tripoli à la Tunisie. Les rebelles s'y préparent et tablent sur l'effondrement des dernières poches de résistance du régime dans la région. L'enjeu est important : si la région tombe, le poste-frontière de Ras Jdir, toujours tenu par le régime, sera à portée de main. Pour l'heure, Zouara reste à portée des roquettes et obus de mortier des hommes du régime positionnés à l'ouest à Zelten. Mais les rebelles ont réussi hier à prendre le contrôle de Bou Kammesh, une localité située à l'ouest de Zouara. La route côtière en direction de Sobratah n'est, de son côté, toujours pas sécurisée. Même Tripoli n'est pas encore sécurisée totalement. Dans la capitale, où le gouvernement des rebelles a été transféré dans la nuit de jeudi à hier, après plusieurs heures de combats intenses, les rebelles ont réussi à prendre le contrôle d'Abou Salim, un quartier du sud de la ville proche de Bal Al-Aziziya, mais les combats se sont déplacés dans le secteur voisin de Machrour. A New York, le Conseil de sécurité de l'ONU a accepté de débloquer 1,5 milliard de dollars d'avoirs libyens pour aider les rebelles à la reconstruction du pays. Le président du CNT, Mahmoud Jibril, avait exprimé l'urgence du dégel des avoirs libyens à plusieurs reprises. Hier, d'Istanbul où il s'est rendu, Mahmoud Jibril a encore une fois indiqué : «Il y aura d'importantes attentes de la nouvelle administration qui sera mise sur pied après la chute du régime (...) et pour son succès le déblocage des fonds gelés est essentiel». Le président du CNT a réclamé, mercredi dernier au cours d'une réunion à Doha du groupe de contact, une aide d'urgence de cinq milliards de dollars à débloquer sur les avoirs libyens gelés. Sur le plan diplomatique, la France a annoncé la réouverture «rapidement» de son ambassade à Tripoli.Sur le plan humanitaire, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), à Genève, a indiqué hier qu'un premier groupe de 263 migrants a été évacué jeudi avec succès de Tripoli vers Benghazi, et qu'un deuxième bateau d'évacuation des migrants était attendu à Tripoli. Amnesty International a appelé à l'arrêt des tortures et mauvais traitements en Libye, pratiqués, selon les témoignages recueillis sur le terrain, tant du côté des rebelles que parmi les forces loyales au régime du dirigeant en fuite Mouammar Kadhafi. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a lancé, pour sa part, une mise en garde contre les chasseurs de prime, cherchant à tuer Kadhafi, en déclarant que «les assassinats ne font pas partie des règles de droit. La règle de droit est essentielle, elle s'applique à Kadhafi aussi bien qu'à n'importe qui d'autre», a déclaré Rupert Colville, porte-parole de l'ONU, en réponse à une question sur la prime de 1,7 million USD pour la capture du président libyen, vivant ou mort. Dans Tripoli, la chasse à Mouammar Kadhafi et ses fils, anime les troupes mais les rebelles soupçonnent le leader d'avoir trouvé refuge à Syrte, sa région natale où de nombreuses tribus lui sont fidèles. H. Y./agences