De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Le groupe terroriste qui a planifié l'attentat suicide contre le siège de la première Sûreté urbaine de Tizi Ouzou, a-t-il réussi là où les pouvoirs publics ont échoué avec tous leurs moyens humains et financiers ? Organiser l'unanimité autour d'une question. En effet, depuis l'attentat kamikaze, les citoyens de Tizi Ouzou ont fait comme s'ils se sont entendus sur la question, sortir en masse le soir de l'attentat pour dire que les terroristes ne sont plus capables de semer la psychose au sein de la population qui, juste après le choc de l'explosion, a vaqué à ses occupations quotidiennes du mois de Ramadhan. L'indice le plus révélateur de cette réaction citoyenne reste sans nul doute la sortie massive des familles après la rupture du jeûne. Les grandes artères de la ville des Genêts ont connu un déferlement de familles plus important que les autres jours. Le rond-point du Djurdjura et la rue Lamali, où a été perpétré l'attentat, au lieu de refouler les gens par «psychose» ou par «inquiétude», est devenu un lieu de pèlerinage pour des milliers de personnes entre femmes, hommes, enfants et personnes âgées sorties narguer les auteurs de l'attentat et leurs commanditaires. Des citoyens déterminés à transmettre un message clair aux groupes terroristes armés qui tentent de les terroriser ainsi qu'aux pouvoirs publics qui passent leur temps à leur compliquer la vie. Un message de vie et d'espoir qui dit clairement et simplement que la population veut vivre dignement et passer du bon temps, ce n'est pas les coups tordus des uns et des autres qui vont altérer cette détermination citoyenne.D'ailleurs, après la timidité et la morosité qui ont caractérisé les dix premiers jours du mois de Ramadhan, notamment du côté de la maison de la culture Mouloud Mammeri et le théâtre régional Kateb Yacine, ces deux institutions sont littéralement envahies durant les soirées, après une certaine acclimatation des populations, notamment la gent féminine qui semble avoir décidé de combattre tous les archaïsmes dans lesquels les terroristes et le pouvoir veulent, chacun de son côté et chacun à sa manière, la cloîtrer. La population de Tizi Ouzou, en attendant de vivre réellement en liberté et en démocratie, montre depuis quelques jours une volonté inébranlable de se libérer du carcan d'une société à la limite de l'archaïsme que l'Etat encourage de façon directe ou indirecte. Les gens de Tizi Ouzou, notamment les femmes, ont décidé de s'amuser au lieu de se morfondre après un attentat terroriste, ou une décision scandaleuse de hausse des prix des transports survenue après près de deux mois de galère, due à une grève des transporteurs qui se sont avérés d'une cupidité déconcertante. A tous ces gens-là, les jeunes de Tizi Ouzou, leurs parents, leurs sœurs et leurs mères disent avec force que leur vie leur appartient et qu'ils en font ce qu'ils veulent. Et aujourd'hui, et en plein Ramadhan, les Tizi-Ouziens ont décidé de sortir, s'aérer, se désaltérer, se dégourdir les jambes, s'amuser, se balader, danser à la maison de la culture ou assister à une pièce de théâtre. Ils ont décidé de sortir, investir les rues de la ville et envoyer paître, au propre et au figuré, tous ces donneurs de leçons de la vingt-cinquième heure et aux fauteurs de troubles qui, faute de pouvoir vivre dans la dignité, tentent d'ôter cette même dignité aux populations de Tizi Ouzou, de Kabylie et d'Algérie. Si les citoyens n'ont pas encore trouvé les moyens de se remobiliser politiquement pour imposer un vrai changement politique et pacifique dans leur pays, ils semblent néanmoins déterminés à résister à la bêtise humaine, à l'archaïsme, et ce, même avec les choses les plus simples de la vie, comme sortir, s'amuser et assister aux différents spectacles proposés à la maison de la culture Mouloud Mammeri, au théâtre régional Kateb Yacine ou au stade Oukil Ramdane.