Photo : Riad Par Y. Bouarfa L'ES Sétif est devenue pour la deuxième fois successivement le champion arabe de football 2008 après avoir battu le Widad de Casablanca au stade de Blida pour le compte de la finale de la Ligue arabe des champions. Elle est forcément une équipe d'avenir, de durée, plus que de mode. Et il faudrait toujours des équipes comme elle pour entretenir et préserver la vérité du terrain. Il n'existe rien de plus clair ni de plus édifiant qu'une consécration amplement méritée. C'est simple, c'est transparent, c'est «lisible». Hadj Aïssa, Ziaya, Moumen, Lemouchia, Derradj, Benchaira, et Maïza (parti dernièrement en Arabie saoudite), la nouvelle génération sétifienne arrive. Les vraies valeurs s'en dégagent, prenant en compte tout ce qui fait la vie, la richesse, la progression d'une équipe comme tout ce qui entraîne ses remises en cause. Au bout d'un long parcours, jalonné de joies et de déceptions, «l'injustice» est rare. Pour ne pas dire inexistante. En fait, c'est le foot dans toute sa variété et ses couleurs. Vingt-quatre ans de moyenne d'âge, du panache à tout-va, des rêves en bleu, les joueurs de la ville d'Aïn Fouara grandissent ensemble sous le regard comblé de leur entraîneur (malheureusement remplacé au pied levé par Azzedine Aït Djoudi). Il faut dire que l'espace footballistique d'une équipe comme l'ESS, si vaste, si hétéroclite, appelle plusieurs champs d'expression possibles. Il était intéressant de suivre de très près le grand combat des Noir et Blanc pour la sauvegarde de leur place, de leurs idées. Et, finalement, on se dit qu'autant l'équipe algérienne affiche sa différence, autant elle affiche sa compétence et son exception. Par l'ampleur du jeu qu'elle expose et par la qualité de son travail, elle affiche visiblement une évolution du football, infiniment plus positive que négative. On pense qu'il y a dans cette vision, plus ou moins intellectuelle et détachée des faits ordinaires, quelque chose de miraculeux et d'inaccessible aux analyses. On sait que, à la ville qui a vu naître les talentueux Adjissa, Serrar, Salhi, Matem, Adjas, Bendjabellah, Griche, le football est une succession de matches, de travail. Que la vérité d'un jour n'est pas forcément celle du lendemain. Ce qu'on a raté aujourd'hui, on le remettra en cause demain. Et ce sera, nécessairement, une autre aventure. Une autre histoire. Une équipe, une vraie, a et aura toujours besoin de croire en quelque chose. Le modèle et l'objectif auxquels tient tout particulièrement l'Aigle noir se révèlent aussi bien en vertu du fameux resserrement des valeurs, qui mêle davantage surpassement et mobilisation, en raison de l'attraction indiscutable que suscite justement la présence d'une pareille équipe dans la compétition nationale. Le comportement de ses joueurs, qu'on ne nous dise surtout pas le contraire, est celui qui favorise l'émanation du jeu, la création, l'invention, l'imprévisibilité et, bien entendu, les buts marqués. La responsabilité de ses hommes et aussi de tout son entourage s'inscrit dans cette conscience permanente et dans cette volonté constante de promouvoir et de défendre les valeurs sacrées du foot. Ce qu'on a pu justement apprécier, mais aussi aimer chez cette équipe, c'est le fait de rester fidèle à son histoire et de respecter les principes traditionnels de son jeu. Parfois, il lui a fallu aller plus loin et savoir bousculer la régularité des choses, en passant à la vitesse supérieure. Dans le sport comme dans la vie, il ne faut pas se satisfaire de ce qu'on a. Le but de la performance sportive, n'est-ce pas, justement, de se surpasser et de toujours faire mieux !? Un football uni… Etre l'un des plus gros palmarès du football arabe, disposer d'un style, présenter une continuité, afficher des principes, il est rare qu'une équipe possède une identité aussi forte, ancrée dans ses convictions sportives immuables qui sont la source de tout. Une équipe qui se construit à partir du terrain. Ce n'était pas une révolution, certes, mais certainement une recomposition de l'effectif avec plus de jeunes et la présence également de joueurs expérimentés. Défendre, tenir le choc, cela fait partie du football, du jeu. Mais, ce n'est pas ce qui réussit le mieux et le plus à l'Aigle des Hauts Plateaux. Ce que l'équipe préfère vraiment… s'ouvrir, et ne pas rester confinée dans son petit football. Le plan de redressement était en fait baigné dans une seule et même idée force : le football à l'ESS devrait être uni entre les jeunes et les «vieux», les «anciens» et les modernes. Il n'y aura, en fait, qu'un seul peuple du foot !… Forcément, c'est une équipe d'avenir, de durée, plus que de mode dans un monde de compétition où la civilisation de l'instant a relégué les valeurs traditionnelles au second plan. Seulement, la vérité est toujours sur le terrain, et il faudrait toujours des équipes comme Sétif pour l'entretenir, la comprendre, l'interpréter. Des équipes qui incarnent des valeurs fortes, profondes et ne se souciant pas, justement, des modes. Par leur exceptionnel charisme, leurs intuitions, leur abattage, leur flamboyance, elles s'entraînent au sommet, et on ne peut leur contester, d'un autre côté, de disposer de ressort et de courage. Dans l'euphorie des succès ou dans la déception des échecs, l'Aigle noir ne semble pas oublier ses principes. Ses objectifs ne se définissent pas seulement en termes de résultats, mais aussi et surtout en termes d'attitude et de comportement. Protégera-t-il longtemps une pareille magie ? Une autorité que nous ne connaissons pas a-t-elle décrété cette magie nécessaire à perpétuité ?