La tradition a été respectée et, d'après les correspondants de presse dans le pays profond, elle l'a été partout de la même manière. Durant le mois de Ramadhan, de nombreux ministres ont décliné des chiffres à l'infini pour dire la disponibilité de produits alimentaires de toutes sortes, en quantité industrielle. Ce qui était vrai. Or les citoyens, comme chaque année, n'ont pas déploré des pénuries mais plutôt la dictature intouchable des commerçants quant aux prix des produits et les conditions de leur mise sur le marché. Les pouvoirs administratifs, face à des services publics, ce que sont les commerces, ont même essayé les… imams et les appels pour que les maîtres du marché intérieur aient de la… compassion, de la morale dans l'exercice du commerce. Peine perdue ! Dans un Etat de droit, les appels à la gentillesse pour que les plus démunis puissent nourrir convenablement leurs familles n'ont pas droit de cité. La religion et le grand cœur d'un grossiste ou d'un détaillant ne remplaceront jamais la stricte application des lois et règlements et leur total respect par les acteurs du commerce où qu'ils se trouvent dans les filières de l'alimentaire, du vêtement, etc. Après avoir imposé leur loi basée sur la seule course au plus grand profit, surtout dans les marchés sauvages, nomades, hors de portée du fisc et de tout contrôle, la majorité des commerces, sur l'ensemble du territoire, ont pris à leur guise des vacances après avoir saigné les petites gens. L'Aïd, tous les Aïds, toutes les fêtes civiles et religieuses, toujours à tiroirs, offrent à chaque fois le visage d'un pays fermé des jours et des jours, surtout si la fête précède les jeudi-vendredi. Cet Aïd n'a pas failli à la tradition, devenue une norme légale, une «constance» nationale devant lesquelles les pouvoirs publics s'inclinent sans coup férir. Des mères et des pères de famille ont déambulé comme des âmes en peine, à la recherche de pain ou d'un sachet de lait, habituellement posé sur un méchant casier à même le sol, sous le soleil ou la pluie. Ces deux produits de base, surtout pour les enfants, ont manqué cruellement dès le premier jour de l'Aïd, suivi d'un deuxième jour, d'un jeudi et d'un vendredi. Une fête à rallonge !D'autres citoyens cherchaient leur journal préféré, comme lors de toutes les fêtes. Combien de jours dans l'année les journaux ne paraissent pas en Algérie ? Qui les compte et qui réagit ? Des records sont assurément battus en la matière, dans un pays où les jours légalement fériés et les «ponts» décrétés par les commerçants et les chaînons de la presse écrite sont plus nombreux que dans plusieurs pays réunis. Le pain, le lait et le journal sont des produits de première nécessité qui ne doivent pas manquer dans un pays normal plusieurs jours d'affilée. La suite est pour le prochain Aïd, la prochaine fête, le week-end à rallonge. A. B.