Le projet de loi de finances 2012 qui a été approuvé par le Conseil des ministres est frappé du sceau social. Ce projet de loi qui déterminera globalement les dépenses tous azimuts pour le prochain exercice a consacré un gros budget dans ce sens. En effet, une enveloppe de 1300 milliards de dinars sera allouée aux dépenses sociales et de solidarité nationale (le soutien du prix du lait, des céréales, des huiles, de l'eau, allocations familiales de l'ensemble des travailleurs, y compris du secteur privé, le paiement des compléments de retraite…). De ce fait, après la loi de finances complémentaire (LFC) 2011 (78 milliards de dinars de subventions supplémentaires pour la stabilisation des prix du blé, de l'huile, du lait et du sucre, ce qui porte cette subvention de 93 milliards de dinars à 271 milliards de dinars pour toute l'année 2011), le projet de loi de finances 2012 appose des mesures qui ont pour finalité de continuer la politique de l'Etat en matière de maintien des subventions sur ces produits. Les subventions et le plafonnement des prix de l'huile et du sucre à respectivement 650 DA le bidon de 5 litres et à 90 DA le kilogramme, une décision prise en début d'année, même s'ils pèseront lourdement sur le budget de l'Etat, sont l'unique solution choisie précipitamment par le gouvernement. En effet, les pouvoirs publics n'ont pas trouvé mieux que de débourser des sommes faramineuses d'argent et de céder devant la pression de l'informel en annulant, entre autres, la facturation, depuis le déclenchement, début janvier, des manifestations populaires dans certaines régions du pays, causées par la flambée des produits de l'huile et du sucre. Initialement, cette mesure devait être appliquée jusqu'au 31 août. Mais le gouvernement a fini par la reconduire. De ce fait, les prix du sucre et de l'huile resteront soutenus sur le long terme au même titre que la semoule et le lait, ce qui a engendré un surplus de dépenses dans le projet de la loi de finances 2012, comme dans la LFC 2011. Décision sage ou lubie gouvernementale, en ces temps de révoltes populaires ? Si pour le gouvernement, la paix sociale n'a pas de prix, même si la crise a été provoquée par les barons de l'importation et par la désorganisation du marché, notamment dans le segment de la distribution, pour les experts et organisations patronales, il s'agit d'un replâtrage qui ne dit pas son nom. En effet, pour les spécialistes, le gouvernement algérien doit carrément reconsidérer sa politique alimentaire pour favoriser le développement durable et la croissance économique. Le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), la plus grande organisation patronale du pays, Rédha Hamiani, s'est opposé à la politique appliquée jusqu'à maintenant. «Nous sommes contre cette subvention telle qu'elle est appliquée actuellement», avait déclaré Hamiani. Pour le patron des patrons, cette subvention «n'est pas ciblée en faveur des plus démunis», explique-t-il. «C'est une subvention générale qui profite aux riches comme aux pauvres et aux pays riverains à travers les réseaux de contrebande.» Selon lui, «ce soutien doit être accordé à la source, c'est-à-dire aux producteurs afin de les aider à augmenter l'offre qui est le seul moyen pour faire baisser les prix». Pour les experts économiques, les mesures de subvention aux produits alimentaires adoptées en janvier dernier dans le but d'apaiser les agitations sociales sont inefficaces et ne favorisent pas la croissance à long terme. «Si l'embellie financière dont bénéficie le pays permet cette politique actuellement, il est clair que dans un contexte différent, où cette embellie n'existe plus, cela causera de graves problèmes pour le pays», avertissent-ils. Dans ce sillage, même le gouvernement a reconnu, à demi-mot, que ladite mesure est, à long terme, préjudiciable pour l'économie du pays. «L'Etat algérien pourrait ne pas avoir les moyens prochainement pour subventionner les produits de première nécessité», selon le ministre du Commerce Mustapha Benbada qui a ajouté que «les subventions des produits de première nécessité coûtent annuellement à l'Etat 300 milliards de dinars par an». «Nous devons préparer des alternatives pour réduire cette facture», soutient le ministre du Commerce Mustapha Benbada. En effet, les pouvoirs publics sont dans l'obligation de trouver des alternatives qui permettront, réellement, la réduction de la facture des importations et éviter que les factures des subventions ne continuent à s'alourdir. S. B.