Photo : Riad Par Karima Mokrani Les mouvements de grève dans le secteur de la santé ne tarderaient pas à reprendre de plus belle. Praticiens et praticiens spécialistes annoncent une reprise imminente de la protestation et les résidents affirment qu'ils rebondiront au moment opportun. D'ores et déjà, des citoyens s'en inquiètent. Défaillances multiples du système, cercle vicieux En effet, à l'exemple de nombreux étudiants dont l'inscription à l'université est retardée d'au moins une semaine à cause du débrayage des travailleurs communaux, des malades devant subir des interventions chirurgicales risquent de connaître les mêmes désagréments. Disons que ce sera pire parce que c'est de leur santé qu'il s'agit et que cela ne peut attendre.Nacer, un homme d'une quarantaine d'années, souffrait d'un sérieux problème cardiaque. Son état nécessitait une intervention chirurgicale dans les plus brefs délais, mais, en raison de la grève des résidents à laquelle se sont joints les praticiens et, après eux, les praticiens spécialistes, sa demande d'une prise en charge rapide n'a pu être satisfaite. «Un anesthésiste lui disait qu'il ne lui fera pas l'anesthésie parce qu'il est en grève…», s'indigne un proche du malade, ce dernier était décédé depuis près de trois mois. «Lorsqu'il est passé la dernière fois au siège national à Alger, il a fait part à ses collègues de la dégradation de son état de santé. Il cherchait l'intervention d'un proche du domaine de la santé afin de lui avancer son rendez-vous pour l'intervention chirurgicale. Il est reparti bredouille chez lui… il a pris son mal en patience jusqu'à ce que nous ayons appris la nouvelle de son décès. C'est triste et bien dommage !», confie une de ses collègues. Sans accuser le personnel médical ou l'administration de l'hôpital, la famille du défunt estime que c'est la défaillance du système de santé algérien qui est à l'origine de la perte de leur père et frère Nacer. Et ce dernier n'est qu'un cas parmi d'autres. Des personnes de tous les âges qui décèdent «bêtement», «gratuitement» parce que n'ouvrant pas droit à une intervention chirurgicale dans les délais convenus. Chaque fois, le rendez-vous est reporté pour cause d'une grève ou autre. «Je suis confrontée à des situations difficiles mais nous n'avons pas le choix. Nous devons mener notre grève jusqu'à l'aboutissement de nos revendications», confie une femme médecin à Alger, imputant la situation aux responsables du secteur de la santé, à leur tête le ministre, Djamel Ould Abbès, qui, selon les dires de nombreux médecins et autres personnes proches du secteur, «ne respecte pas ses engagements». «Le ministre s'engage sans faire suivre ses promesses d'actions concrètes sur le terrain. Toutes ses déclarations, faites en grande pompe à la télévision et à la radio ne visent qu'à gagner du temps. Induire en erreur l'opinion publique également.»Les travailleurs des différents corps de la santé demeurent insatisfaits de leur régime indemnitaire et de leurs statuts particuliers. Ils réclament des révisions et des amendements, mais le ministre de la Santé s'y oppose sinon promet de répondre positivement, fixe des échelons mais oublie vite ce sur quoi il s'engage. Résultat, médecins et autres personnels médicaux reviennent à la charge et menacent à nouveau de perturber le fonctionnement des établissements de santé. Responsables, de haut en bas Un coup dur pour de nombreux malades qui, devrions-nous le dire, en ont déjà assez des multiples défaillances et autres manquements constatés dans l'exercice de l'activité des soins à tous les niveaux. Comportements désagréables, manque de qualification, salles de soins dans un état critique, manque de médicaments, de consommables, d'appareils répondant aux normes, problèmes de coordination, etc. Les patients dans les wilayas de l'intérieur du pays souffrent plus que d'autres, ce qui explique leur grande affluence aux structures des grandes villes du nord, avec ce que cela engendre comme pression et anarchie. En fait, c'est un cercle vicieux et aucune partie ne trouve son compte dans une telle organisation. Une organisation de façade qui couvre un tas de défaillances et de dysfonctionnements internes. Plus conscients que d'autres de la dégradation de ce système de santé en Algérie, parce que plus proches de lui, les différents corps de la santé agissent à leur manière pour mettre fin à la dégringolade et sauver leur carrière et leur situation socioprofessionnelle. Assemblées générales, demandes écrites, interpellations verbales, rassemblements à l'intérieur des établissements, deux à trois jours de grève et grèves illimitées… ça n'en finit pas, et pour des résultats jugés médiocres par les manifestants.Chaque année, c'est la même histoire. C'est peut-être légitime si l'on en juge les conditions de vie et de travail de chacun de ces manifestants représentant le corps médical et paramédical. C'est toutefois désolant, voire aberrant, de voir des personnes mourir parce qu'un médecin ou autre refuse de remplir sa mission de venir en aide à une personne ayant besoin d'assistance. Le plus à incriminer, de l'avis de nombreux citoyens, est le premier responsable du secteur de la Santé. C'est lui qui a le pouvoir de décision dans toute chose qui concerne le secteur. C'est lui le premier concerné par les problèmes de la corporation médicale et paramédicale, et c'est donc à lui de répondre de la meilleure manière qui soit pour remédier à tous les dysfonctionnements et combler toutes les lacunes qui, souvent, portent préjudice au citoyen et au secteur de la santé, de façon générale.Jusqu'à présent, les problèmes de la santé sont traités de la même manière qu'il y a des années : non-reconnaissance des syndicats, promesses, réunions, commissions… et retour à la case départ. On remet ça ! La voix du pauvre citoyen résonne dans le vide. Personne pour répondre à son appel de détresse.