La ministre de la Culture, Khalida Toumi, a ouvert hier à Alger les travaux du colloque portant sur le thème «Monde arabe en ébullition : révoltes ou révolutions ?», organisé à la Bibliothèque nationale, en partenariat entre le commissariat du Salon international du livre d'Alger (Sila) et l'Ecole nationale supérieure des Sciences politiques. D'emblée, Mme Toumi a affirmé que ce colloque, qui va durer jusqu'au 2 octobre prochain, se veut «une rencontre académique libre dans son expression de toute contrainte politique». S'adressant aux conférenciers, la ministre ajoute : «Je suis, pour ma part, convaincue que le très haut profil des intervenants représente à la fois une garantie patente de qualité et nous assure que vos débats et savantes analyses offriront des clefs de lecture pertinentes tout en fournissant des éclairages porteurs de sens et des pistes fécondes pour mieux appréhender et comprendre la situation que nous vivons.» Et Khalida Toumi de faire le constat que l'Histoire s'accélère. Et pas seulement chez nous, dit-elle. «Mais si les projecteurs sont davantage braqués sur le monde arabe, c'est que ce qui s'y passe est à la fois d'une extraordinaire magnitude dans le fond, et c'est sans doute pour cela que l'on parle de révolution, mais aussi d'une singulière spontanéité dans la forme, et c'est sans doute pour cela que l'on parle de révolte», énonce la ministre. Ce qui se passe dans le monde arabe n'est pas définitivement accompli, constate Mme Toumi pour qui le processus est «encore en mouvement». Pas seulement. «Ce qui se passe dans le monde arabe est gorgé de promesses, mais aussi de vents mauvais qui font craindre à certains (?), à tort je l'espère, que la sinistre politique de la ‘‘cantonnière n'est pas encore enterrée''», souligne encore la ministre qui fera l'«heureux» constat que le monde arabe bouge. «C'est une évidence et c'est tant mieux», appuie-t-elle. Toutefois, en surdimensionnant ce «mouvement, ne cherche-t-on pas, quelque part, en Occident surtout, à faire accroire que le monde arabe est, ou a longtemps été, comme le Belle au bois dormant, la partie assoupie de l'Humanité ?», s'interroge la ministre de la Culture pour qui «ce genre de raccourci n'est pas nouveau». Khalida Toumi a également exprimé le «vœu» de voir les révoltes arabes profiter «aux peuples et non à des castes locales prêtes à toutes les compromissions pour enfin saisir l'opportunité de devenir Calife à la place du Calife», dira-t-elle paraphrasant le héro de la BD Iznogoud. C'est pourquoi le maître mot, dixit Mme Toumi, devrait être : la vigilance. «Vigilance sur le front intérieur pour ne plus jamais reproduire les dévastatrices expériences que nous avons connues.» La vigilance sur le plan interne mais aussi externe «dont il faut prendre très au sérieux les menaçantes menées de reconquête», affirmera la ministre. Dans le tumulte des soulèvements populaires dans le monde arabe, une halte pour évoquer la Palestine s'impose néanmoins. A ce propos, Khalida Toumi n'a pas manqué de souligner que la Palestine représente «une question centrale» pour le monde arabe. Pour ce qui est des Algériens, la question palestinienne est structurante, car, énonce Toumi, «elle est liée à la fois à notre identité et à notre expérience de peuple colonisé qui a dû accepter le suprême sacrifice pour se libérer et qui ne peut en aucune façon, sauf à se renier, s'accommoder de l'état de fait colonial et sa profonde injustice». «Le printemps arabe sera-t-il aussi palestinien ?», conclut Mme Toumi.A signaler que la journée d'hier a vu se succéder sur le pupitre trois interventions, dont celle, la plus attendue de toutes, présentée par l'ancien diplomate algérien Lakhdar Brahimi. Ce dernier a énuméré dans son exposé les fractures et les continuités à travers l'Histoire contemporaine. De son côté, Amr El Shoubaki, expert au centre d'études stratégiques d'Al Ahram (Egypte), a présenté une lecture du cas égyptien en soulignant, entres autres, que le modèle égyptien est différent de ce qu'ont vécu les républiques d'Europe de l'Est en 1989 avec la chute du bloc soviétique. Le chercheur au centre d'Al Ahram a déclaré que son pays a connu en 2010 des élections présidentielles, qui ont vu le président déchu Moubarak succéder à lui-même, entachées de la plus grande fraude électorale dans ce pays jamais connue depuis 1976. A propos de la révolte populaire qui a emporté le régime pharaonien du Clan Moubarak, le conférencier a indiqué que la possibilité de changement dans ce pays s'est révélée impossible de l'intérieur du régime de l'ex dictateur. Y. D.