De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar La violence urbaine s'installe durablement dans la cité d'Oran et prend des formes extrêmes. Au cours de ces dernières années, les services de sécurité, tous corps confondus, sont confrontés à une forme de violence et de banditisme sans précédent. Des guerres de gangs organisés, batailles rangées entre bandes rivales, rapts, enlèvements et séquestration, intimidations, agressions, etc. sont autant de faits violents qui s'installent dans le quotidien des Oranais. En trois années seulement, ce sont plus de 582 véhicules qui ont été volés dont 222 en 2010 et 238 en 2009 parmi lesquels seuls 149 ont pu être récupérés, selon les chiffres de la Gendarmerie nationale. C'est au cours du mois du Ramadhan que le nombre de ces délits a tendance à s'accroître. Ainsi, 18 véhicules ont été subtilisés durant ce mois. Le phénomène mériterait des réflexions sociologiques et psychosociales pour en décortiquer les soubassements et les raisons. Ceci, sans oublier l'élaboration d'une stratégie globale et rigoureuse de lutte contre ce fléau social inquiétant et dévastateur. Cela est d'autant plus urgent que la circulation libre d'armes à feu dont des saisies ont été effectuées récemment, rend la situation plus grave. A Oran, il ne se passe pas un jour sans que des agressions et des faits violents soient signalés par les services de sécurité ou les personnels de la santé publique. Durant le Ramadhan écoulé, le service des urgences médico-chirurgicales du CHU d'Oran s'est transformé en une véritable unité de front où les blessés affluaient par dizaines. Près d'un millier de victimes ont été recensées durant le seul mois de Ramadhan dernier, selon des recoupements entre statistiques des services médicaux et de sécurité. Selon le service de la médecine légale du CHUO, pas moins de 724 cas de violence, dont des coups et blessures à main armée, ont été enregistrés en l'espace de 27 jours durant le Ramadhan 2011. Quotidiennement, entre 10 et 20 personnes sont victimes de vol, d'agression et de violence dans différents endroits de la capitale. Selon un bilan du même service, le nombre des victimes recensées sur une période de 8 mois est de 3 465 personnes, âgées de 16 à 70 ans, dont 1 173 sont des femmes. Une hausse de 25% dans les affaires de crime et de délit Le Groupement de la Gendarmerie nationale d'Oran a procédé, il y a quelques jours, à la présentation d'un bilan annuel des interventions et des affaires traitées par ses éléments sur le terrain. Il en ressort que la situation est fort inquiétante. Le banditisme est en hausse et il se nourrit de la petite délinquance. Le banditisme prend de plus en plus de formes organisées et adaptées pour contourner les dispositifs de sécurité et faire davantage de victimes et de dégâts. De janvier à la fin août 2011, ce sont plus de 2 089 affaires de crime et 7 355 affaires liées à des délits qui ont été traitées par les gendarmes. Dans ce cadre, on notera que plus de 4003 personnes ont été présentées devant la justice et placées sous mandant de dépôt. Selon le Groupement de la Gendarmerie nationale, ces faits enregistrent une hausse de 25% par rapport à l'année écoulée. Parallèlement, le nombre de mandats de dépôt a aussi connu une hausse sensible par rapport à 2010, passant de 1 879 à 2 988, une hausse de 40%. Les affaires d'atteinte aux biens d'autrui sont passées de 597 à 1 098 en 2011 également. Ce qui0 dénote une tendance haussière inquiétante et menaçante pour l'ordre social. L'une des conséquences multiples de cette violence urbaine, est la prise au piège de nombreuses familles dans les quartiers. Ces derniers devenus de véritables citadelles pour délinquants et autres trafiquants de drogue, ont poussé de plus en plus de familles à déserter ces cités. Selon des témoignages concordants, de plus en plus de familles préfèrent brader leurs maisons pour aller s'installer dans la périphérie, plus calme et surtout plus clémente. «Il y a quelques jours, à la 19e Sûreté urbaine, nous n'avons pas cessé de téléphoner au central pour signaler un délinquant récidiviste armé d'une épée, en état d'ébriété et complètement nu qui faisait du tapage nocturne. Le 19 nous a demandé de contacter la 19e SU et nous a même donné un faux numéro. Alors que c'était à lui d'alerter le VR ou la sûreté concernée. Nous nous sommes débrouillés et nous avons contacté la 19 SU, mais personne n'est venu», notera un groupe de voisins dans la cité la Glacière de Yaghmorassen. Dans ce quartier, «un groupe de délinquants, dont les mères et les tantes ont le bras long, ont fini par imposer leur loi au vu et au su des policiers». «Ils vendent du kif dans la cave du bâtiment mitoyen au B1. Ils le savent, pourquoi ils n'agissent pas. Ils ont peur de leurs mamans surpuissantes ou c'est autre chose ?», note une dame. Pour certains policiers que nous avons pu interroger, «ça ne rime à rien. Aujourd'hui, tu les coffres et demain tu les vois dehors. Tu es constamment dans le risque d'être viré des rangs de la police, alors pourquoi se tracasser la tête. Quand je reçois un ordre explicite, je me démène. Sinon, rien», nous confie un officier de police. Des agents de l'ordre se plaignent également des comportements exaspérants des voyous et délinquants qui, connaissant parfaitement la législation, n'hésitent pas à en tirer profit. Dans ce dédale infernal, le sentiment d'insécurité continue de s'accroître au grand dam des citoyens et des habitants des cités, jadis, hélas, radieuses.