Photo : Riad Par Sihem Ammour Dans le cadre de la 4e édition du Festival International de la bande dessinée d'Alger (Fibda), le journaliste écrivain et scénariste Thierry Bellefroid a présenté, vendredi passé, une conférence autour de la thématique «L'autofiction du vrai avec du faux». Lors de cette rencontre, il s'agissait de répondre à la problématique : comment accréditer l'existence d'un personnage imaginaire ? A cet effet, le conférencier présente sa propre expérience à travers la BD Féroce Tropiques de Joe G. Pinelli et Thierry Bellfroid parus aux éditions Dupuis.Dans cet ouvrage, les lecteurs découvrent le parcours de Heinz Von Furlau, présenté comme un peintre allemand expressionniste du début du XXe siècle. Le personnage entièrement créé par l'imagination foisonnante des auteurs à bluffer de nombreux lecteurs et même certains journalistes qui ont cru à un véritable personnage qui a réellement existé. Jouant sur cette ambiguïté, les auteurs sont allés plus loin, puisqu'ils ont même sorti un livret illustré de dessin d'une saisissante qualité intitulé Une étude de la peinture de Heinz Von Furlau. Cette biographie est d'autant plus crédible qu'il existe de nombreux note en bas de page qui renvoient à un événement marquant de la vie de l'auteur. Des notes tellement bien ficelées que la plupart des lecteurs ont cru à une réelle biographie d'un peintre au talent indéniable. Pour illustrer cela, Thierry Bellefroid va lire quelques-unes de ces notes aux présents en confiant : «Même si tout est faux, il suffit d'un seul élément véridique dans un contexte juste, pour faire croire que tout est vrai.»A titre d'exemple, on peut citer l'exemple de l'une des œuvres sauvées de la rapacité des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale par Rose Vallant. Le contexte de la guerre et des Nazis est vrai, mais encore mieux, le personnage de Rose Vallant est celui d'une femme qui a réellement existé, connue dans le monde de l'art comme une résistante qui a pu sauver de nombreux chefs- d'œuvre. A partir de ce moment-là, tout le reste de l'histoire peut alors être considéré comme authentique. Le scénariste explique à ce propos : «Il suffit que le lecteur connaisse uns seul code culturel qui comporte seulement un élément vrai pour que cela donne une sorte d'exactitude au reste.» Il joutera : «Dès ce moment-là, tout ce que l'on inventera est alors de l'ordre du possible.» Une des autres clefs pour rendre la fiction crédible est le travail mené sur les décors ou sur les particularités culturelles. A cet effet, l'orateur cite les différents albums de Tintin, ou même si Hergé n'a jamais voyagé dans les nombreux pays où se déroulé les aventure de Tintin, il a néanmoins travaillé sur une importante documentation pour rendre réel l'univers de son héros. Il racontera à l'assistance une anecdote à propos de la notion de réalité, que lors de l'une des premières diffusions sur grand écran du dessin animé inspiré de La BD éponyme, un des enfants avait surpris Hergé à la fin de la projection en lui disant : «Ce n'est pas le vrai Tintin, ce n'est pas sa voix.»Thierry Bellefroid expliquera : «En vérité, lorsqu'on lit un livre, on crée sa propre réalité.»Par ailleurs, Thierry Bellefroid soulignera le fait que l'autofiction est de plus en plus présente dans les différentes expressions littéraires contemporaines. Il explique que cela est dû certainement à trois éléments. Tout d'abord, le fait que la littérature française soit de plus en plus nombriliste. Ensuite, le succès phénoménal de la BD Persépolis considéré comme une véritable bombe économique, ouvrant ainsi la voie à la floraison de l'autobiographie de fiction. Le troisième élément est le succès des blogs qui crée par conséquence une génération d'auteurs qui racontent comment ils font leur café le matin dans une forme d'autofiction. Au final, même s'il est très intéressant de jouer avec les univers romanesques et rendre les barrières entre le vrai et le faux imperméables, la véritable question qui se pose aujourd'hui à travers la multiplication des fameux vrais-faux récits de vie est : doit-on réellement croire tout ce qu'on lit ou l'on voit, doit-on rester passif face aux déluges d'information dont certainement le plus grand exemple et malheureusement le plus grand canular et les preuves factices à l'origine de l'entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Irak.