Si la bande dessinée en Afrique est ignorée, en Belgique, elle explose littéralement avec 45 000 titres par an. Dans le cadre de la tenue du 4e Festival de la bande dessinée, des intervenants ont développé des angles différents se rapportant à l'univers du 9e art. Mercredi dernier, les présents ont pu assister à deux conférences enrichissantes à plus d'un titre. L''expert congolais en sémiologie de l'image, Hilaire Mbiye, a soutenu dans sa communication, intitulée «Le rôle de la bande dessinée dans l'avènement de la paix et de la réconciliation en Afrique», que l'utilité de la bande dessinée et sa contribution à la sensibilisation des jeunes personnes aux dangers des fléaux sociaux et à la culture de la paix sont littéralement ignorées en Afrique. Les organismes africains accordent peu d'intérêt à la BD. Le conférencier révélera que l'ensemble des bandes dessinées portant sur la sensibilisation à la consommation de drogues, aux agressions sexuelles ainsi que toutes formes de violences, distribuées gracieusement dans des établissements scolaires africains, sont commandées auprès d'organismes étrangers, assurant leur financement. «Le message par l'image est certes plus efficace que le discours, mais je demeure préoccupé par les images stéréotypées de misère, maladies et famine collées souvent au contient noir que peut véhiculer ce genre de bande dessinée ‘‘commandée'», expliquera-t-il. Ne mâchant pas ses mots, l'expert congolais Hilaire Mbiye déplore l'absence d'organismes africains pour le financement de la BD en Afrique. Ce 9e art est littéralement méprisé en Afrique. Le conférencier est convaincu que la bande dessinée est un moyen de communication et un support médiatique au langage spécifique qui gagnerait à être initiée dans les écoles : façon singulière de permettre une meilleure transmission que véhicule la BD. De l'avis de ce spécialiste, les bédéistes africains sont des médiateurs à même de jouer un rôle décisif dans la consolidation de la paix en Afrique, aux côtés des autres médias et ce, compte tenu du problème de financement de la bande dessinée. En guise de conclusion, Hilaire Mbiye a soutenu qu'au-delà de la sensibilisation, la BD en Afrique devrait accorder un intérêt particulier au patrimoine oral du continent qui, à coup sûr, gagnerait à sauvegarder la mémoire et à transmettre les valeurs culturelles aux jeunes Africains ainsi qu'au reste du monde. Dans une seconde conférence intitulée «L'édition comment ça marche », l'une des figures de proue de la bande dessinée belge, Thierry Bellefroid, est revenu sur l'expérience du 9e art dans son pays. La Belgique arrive à publier 45 000 livres de bandes dessinées par an, avec traduction comprise. Pas moins de 3000 créations sont recensées par mois. «Aujourd'hui, dira-t-il, il faut avoir une culture et une économie à la fois, seul un modèle économique en soi permet la publication. Par ailleurs, les libraires ne peuvent plus lire cette production nombreuse.» Le conférencier s'interroge : «Quelles sont les limites de cette production quand on est un best-seller ? Il vaut mieux être le premier en Algérie qu'en Europe». Thierry Bellefroid soutient que si la bande dessinée est importante aujourd'hui, c'est qu'elle était belge francophone et belge flamande. Elle s'est ensuite déplacée à Paris. De grands créateurs de bande dessinée ont éclos au parfum du jour, à l'image du célèbre dessinateur et scénariste belge Georges Remi, dit Hergé, avec sa série Les aventures de Tintin, publiées pour la première fois en janvier 1929 dans Le Petit Vingtième, supplément pour enfants du journal belge Le Vingtième siècle. «Sans Tintin, nous ne serons pas là aujourd'hui. Il a ciblé une population importante», lance Bellefroid. Entre 1890 et 1900, la bande dessinée prend de l'ampleur en Amérique, en France et en Belgique. Un autre magazine Spirou va servir de modèle et de creuset. Après l'après-guerre, on retrouve des auteurs qui remplacent les séries américaines. La production est arrivée avec de prodigieux talents. En Belgique, les rééditions n'intéressent plus les libraires. Une somme d'argent dite «avaloir» est donnée aux créateurs avant publication. Cet avaloir n'est pas remboursable par l'auteur en cas de non-publication de l'album. Il est à noter que l'Etat belge octroie tous les trois mois une aide à la création. De même que des bourses sabbatiques d'une année sont octroyées. Thierry Bellefroid a confié que le rêve des jeunes bédéistes algériens est de participer au Festival de la bande dessinée à Angoulême. «Ils peuvent participer à ce festival, mais le risque, c'est qu'on ne les voit pas. Ici en Algérie, il y a tout à faire. Il faut que les collectifs d'auteurs et d'éditeurs algériens aillent trouver les pouvoirs publics afin de leur expliquer l'enjeu de la bande dessinée. L'Algérie doit avoir sa propre diffusion de la bande dessinée». Le modérateur Rachid Alik a rappelé à l'assistance qu'il existe une aide sous forme de prêt/ achat.