A couteaux tirés, deux ailes du parti El Islah - d'obédience islamiste - s'entredéchirent. Les choses ne se sont pas limités à des échanges d'accusations sur la légitimité de la direction, ou à l'occupation par la force du siège national, mais les ouailles de ce parti en sont arrivés aux mains : des blessés sont à déplorer des deux côtés, lors d'une bagarre suite à la réoccupation du siège par l'aile dirigée par l'actuel SG du mouvement, Hamlaoui Akouchi. Tout a commencé dans la nuit de samedi à dimanche, lorsqu'une aile du parti, conduite par l'ex-chef du groupe parlementaire du parti durant l'ère Djaballah, a occupé par la force le siège national d'El Islah, sis rue Belouizdad, jusqu'à dimanche soir. «Ces personnes, étrangères au mouvement (les assaillants), ont occupé les lieux, empêchant le secrétaire général d'y accéder, après avoir cassé les serrures et fouillé de fond en comble le siège, emportant documents et cachets officiels du parti», accuse Djahid Younsi, l'ancien député et candidat aux présidentielles de 2009. D'un ton aigri, il lance : «Ces gens là sont sans foi ni loi. Ils font abstraction des lois», les accablant «d'usurper les instances du parti, dont le conseil consultatif, et tentent de tromper les parties officielles». Malgré cela, l'on s'est gardé de porter l'affaire en justice, préférant donner aux autorités les preuves que «le mouvement contrôle entièrement ses instances» et se prépare à entamer les préparatifs pour les prochaines échéances électorales de 2012. Le mouvement El Islah aurait programmé, dans ce cadre, une série de meetings, cette semaine d'abord à Constantine, ensuite à Oran et Alger. De plus, la direction de cette formation envisage l'installation des commissions électorales de wilaya. En attendant, la direction d'El Islah, qui s'est réapproprié le siège national du parti, a quand même procédé à un dépôt de plainte dimanche, et un huissier était attendu pour faire le constat des dégâts occasionnés par l'intrusion des éléments de l'autre camp, la perte du cachet humide et des documents. «Nos militants ont chassé les intrus sans user de violence. Juste des bousculades, où j'ai été moi-même blessé à la main», dira Djahid Younsi, se gardant d'envenimer encore la situation. Alors que de l'autre côté, leur chef de file, Miloud Kadri, dira avoir été «blessé à la main par un coup de couteau». Les assaillants n'ont pas agi seuls, il y aurait derrière eux «des parties étrangères qui ont donné le signal à ces personnes pour s'attaquer à nous». Les parties qui tirent les ficelles, elles, sont deux, partisane et officielle, croit savoir M. Younsi, et Djaballah, qui a été désigné en filigrane, ne serait pas seul à l'en croire. «Ils se réunissaient bien chez lui, et étaient souvent transportés dans sa voiture», accuse-t-il encore. «Quant aux autres, viendra le jour où les choses seront divulguées», a encore lâché le conférencier. Cet incident, s'il y a lieu de le qualifier ainsi, n'est qu'un épisode du feuilleton du déchirement interne qu'a connu la formation El Islah depuis 2004, où le différend opposant Djaballah aux redresseurs du parti, dont font partie les animateurs actuels de deux ailes, n'a été résolu que par le recours à la justice. S'ensuivra la démission surprise de Boulahia en 2009, puis celle de l'ancien SG, Djamel Benbadessalam, et voilà que reprend du service Miloud Kadri. Ce dernier est le chef de file d'une aile, constituée essentiellement de militants «exclus», dont l'ancien président du Conseil consultatif du parti à la même époque, ainsi que deux députés, dont l'un est démissionnaire du parti, et candidat d'Ennahda en 2007. A. R.