De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Que ce soit à Paris, dans les villes de sa banlieue ou dans plusieurs agglomérations de la province française, les manifestations multiples, diverses, qui ont marqué le 50e anniversaire des manifestations du 17 Octobre 1961 ont atteint leurs objectifs au-delà de toutes les espérances des organisateurs, associations et municipalités. L'ampleur et l'impact populaire et médiatique se mesurent au degré de mobilisation des citoyens, français et algériens, au nombre de villes qui ont apposé une plaque commémorative à la mémoire des victimes des massacres et à la couverture de l'évènement par la presse. Cet anniversaire a été commémoration, recueillements et hommages, avec des moments forts dans les rues parisiennes, au pont Saint-Michel, aux ponts délimitant la capitale et sa banlieue nord et dans des villes comme Nanterre, Clichy, Bobigny, Aubervilliers, Asnières, etc.. Il a été aussi réflexions et débats avec pas moins de trois colloques de haut niveau, regroupant des historiens, des journalistes et des témoins de la tragédie du 17 Octobre 1961. Il a été également manifestations culturelles et artistiques avec des films, des pièces de théâtre, des concerts et des expositions.Mais cette commémoration, un demi-siècle après la grande chasse à l'Algérien, Français musulman disait-on à l'époque, par la police parisienne, dirigée par un sinistre préfet du nom de Papon, a été, et le restera, comme un instant fort dans la revendication centrale avancée depuis des années par des démocrates et les défenseurs des droits de l'Homme : la reconnaissance officielle par la France qu'il s'agissait d'un crime d'Etat.Cette revendication a incontestablement trouvé un écho. Elle a marqué une avancée significative dans le milieu intellectuel et surtout dans la classe politique. Elle fait, par exemple, consensus chez les trois candidats de gauche à l'élection présidentielle de avril-mai 2012 : le socialiste François Hollande, le Frontiste de gauche, Jean-Luc Mélenchon et l'écologiste Eva Joly. Ce qui laisse croire que si la gauche remporte la présidentielle et, dans la foulée, les législatives, plus rien ne s'opposera à la satisfaction de la revendication contre un oubli de l'Histoire officielle.Le tout nouveau président du Sénat, le socialiste Jean-Pierre Bel, protocolairement deuxième personnage de l'Etat, a, comme s'il prenait date, annoncé avant-hier, dans un communiqué commun avec le président du groupe interparlementaire d'amitié France-Algérie, qu'il souhaite «que soient reconnus officiellement les crimes commis et s'associent aux différentes manifestations organisées en vue de commémorer cette triste page de l'Histoire de France». C'est la première fois qu'un président d'une des deux Chambres du Parlement se prononce aussi clairement sur ce sujet. Sa prise de position, qui s'identifie donc à celle du Parti socialiste, est intervenue après le dépôt au Sénat d'un projet de loi, émanant de la sénatrice Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la reconnaissance des massacres du 17 Octobre 1961.S'ajoute aussi une initiative que comptent prendre les députés écologistes à l'Assemblée nationale. L'un des leurs, François de Rugy, a révélé qu'«à l'initiative de Noël Mamère, les députés écologistes vont déposer une proposition de loi pour la reconnaissance officielle de cet évènement dramatique». Ainsi, la reconnaissance officielle du crime du 17 Octobre 1961 avance résolument au point de faire l'unanimité à gauche, qui prend des initiatives parlementaires. Mais à droite ? Du côté du gouvernement ? C'était le silence jusqu'à lundi, pour entendre, enfin, une voix s'exprimer. Ce rôle a été dévolu au ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, qui s'est «drôlement» exprimé en déclarant que «la France ne doit certainement pas présenter des excuses à l'Algérie, ceci dit la France doit faire face à son passé». Ou le ministre s'est mal exprimé ou il a voulu volontairement y mettre de la confusion. Personne ne demande à la France des excuses sur Octobre 61 et la revendication, ainsi détournée, ne vient pas d'Algérie mais de France, de Français, de Franco-algériens et d'Algériens de France, unis dans un même combat pour la vérité et la justice. Ce qui est demandé à l'Etat français, c'est de reconnaître un crime commis en son nom, dans les rues de sa capitale et non de continuer à vouloir l'effacer de la mémoire collective. Un crime avéré, reconnu en tant que tel par les témoins de l'époque, les avocats qui ont suivi le dossier et les historiens d'aujourd'hui. Ni vengeance ni repentance, mais reconnaissance d'un crime d'Etat est le leitmotiv qu'avancent les partisans du refus de l'oubli et de l'ignorance d'un fait historique. Guéant a-t-il voulu laisser une porte ouverte en soulignant que «ceci dit, la France doit faire face à son passé» ? Mais c'est ce qui est demandé à l'Etat français. Osera-t-il le faire ? Aucun indice ne le laisse présager. Surtout qu'à l'approche de l'élection présidentielle, où toute voix compte, Sarkozy ne tient certainement pas à perdre cet électorat de nostalgiques de l'Algérie française qu'il dispute au Front national.