«RAJ s'est réapproprié la rue», s'en est félicité hier, Hakim Addad, secrétaire général de l'association Rassemblement Action Jeunesse. Regroupés au niveau de la place des Martyrs, les «enrajés», comme ils aiment se définir, confortés par des membres de l'association «SOS disparus» et des représentants de certains partis politiques, ont commémoré comme de coutume les événements d'Octobre 1988. Fait marquant, cette année, la célébration dans la rue du 20ème anniversaire de ce qui fut un moment historique de l'Algérie indépendante n'a pas été réprimée par les forces de l'ordre. «On est agréablement surpris cette année que cette manifestation n'ait pas été réprimée», constate Hakim. Une cinquantaine de personnes étaient présentes à la commémoration. Mais le nombre des participants n'est pas une fin en soi et la présence d'une telle manifestation au cœur d'une capitale où, pour des mesures sécuritaires, tout rassemblement ou mouvement de contestation est proscrit depuis juillet 2001, reste une réussite. Les organisateurs de la célébration semblaient jouir pleinement de ce succès. Sur des affichettes portées à bout de bras et pendant de longues minutes était transcrits des mots simples dans l'énoncé mais ô combien lourds de sens : «Justice sociale», «démocratie», «liberté». Plus que des slogans, ces affiches portent les revendications de l'association. Chose confirmée par les discours déclamés par quelques membres de RAJ. «Les manifestants d'Octobre 1988 n'étaient pas des émeutiers, ce n'était pas un chahut de gamins. C'est une réaction d'un peuple qui aspirait à une vie meilleure, qui réclamait la démocratie et la justice sociale», adresse le secrétaire général de l'association de jeunes aux détracteurs de cette «phase historique». A ceux qui expliquent que les jeunes Algériens sont descendus dans la rue mus par des manipulations politiques, Hakim Addad répond que certainement, au départ, «il devait y avoir des tentatives de manipulation, mais les pouvoirs publics ont vite été dépassés par les événements». Après la lecture de la «fatiha» à la mémoire de «tous les martyrs de la démocratie depuis 1962 à ce jour en passant par ceux des événements d'Octobre 1988», une minute de silence bras levés, les doigts en V, a été observée jusqu'au déclenchement des youyous sortant des gosiers frais et chaleureux des jeunes filles et des femmes présentes. Les jeunes Algérois, curieux de ce qui se passait, venaient prendre des nouvelles. «C'est quoi ce rassemblement ?» questionne un jeune adolescent. «C'est la commémoration du vingtième anniversaire des événements d'Octobre 1988», lui explique un participant. «Le 5 octobre, c'est quoi ? Encore une question de terrorisme ?» demande le jeune homme. «Comment t'expliquer ! L'Algérie a tellement connue de malheurs», désespère le sexagénaire. Lors de son discours, Hakim Addad est revenu sur les acquis de la révolte populaire précédée par les mouvements des travailleurs dans les usines et certains journalistes de la presse unique de l'époque, en l'occurrence la chute de la pensée unique en faveur du pluralisme. «Un vent de démocratie avait soufflé pour être interrompu juste après», dit-il. «Aujourd'hui, notre première revendication est la liberté. Après, on passera à d'autres réclamations comme la justice sociale», manière de dire que le programme de RAJ reste chargé. S. A.