De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Le mois de juillet dernier, la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, le stade Oukil Ramdane ainsi que plusieurs localités de la wilaya ont accueilli la sixième édition du Festival culturel arabo-africain des danses folkloriques. Des troupes folkloriques de plusieurs pays africains et arabes participent annuellement à cette manifestation, ainsi que d'autres venues de différentes régions du pays, avec l'intention de présenter leurs danses folkloriques et au-delà, leurs différentes cultures. A chaque festival, les organisateurs incluent dans le programme un colloque avec une thématique liée à la manifestation, animé par des universitaires mais aussi des responsables gouvernementaux des pays participants. Mais depuis au moins six années, ce festival a-t-il réussi à créer une dynamique culturelle pérenne dans la wilaya de Tizi Ouzou ? La réponse ne peut malheureusement être que négative dans la mesure où selon son déroulement, cette manifestation n'est ni l'aboutissement ni le point de lancement d'activités en lien direct avec elle. Une sorte de manifestation «prêt-à-porter» concoctée dans des ateliers à l'abri des regards.Sous d'autres cieux où l'activité culturelle est devenue au fil du temps partie intégrante de la vie quotidienne des citoyens, de tous les citoyens, les choses se passent autrement. Il ne peut y avoir un festival sans une série d'activités publiques vécues comme des préliminaires pour ce même festival. Le célèbre Festival d'Avignon commence deux semaines à peine après la clôture de l'édition précédente, avec de nombreuses activités considérées comme le prolongement du festival. Et c'est justement ce qui crée la dynamique culturelle que la ville connaît depuis la création de cette manifestation, il y a quelques décennies. Parce que pour les organisateurs de ces manifestations, il y a un avant-festival et un après-festival. Des dizaines, voire des centaines d'activités et autres ateliers sont perçus comme une sorte de préparation pour le festival et de nombreuses autres activités organisées après la clôture comme un prolongement.Rien n'empêche, de ce point de vue, les organisateurs du festival arabo-africain des danses folkloriques de Tizi Ouzou de faire de même. Des activités folkloriques dont le festival serait un aboutissement, en encourageant notamment les centaines d'associations culturelles de la wilaya de Tizi Ouzou de créer des troupes folkloriques qui seront appelées à nourrir le festival. Comment se fait-il que depuis la première édition du festival, la wilaya de Tizi Ouzou a été incapable de présenter d'autres troupes que les trois qui participent annuellement, en l'occurrence celles d'Imsouhal, d'At Yanni et de la maison de la culture Mouloud Mammeri ? C'est un signe indéniable que le festival, qui donne de belles couleurs à Tizi Ouzou pendant près d'une semaine annuellement, n'a pas réussi à créer cette dynamique culturelle dont la wilaya a besoin. Une dynamique qui aurait conduit à la naissance de nouvelles troupes de danse qui animeraient également tous les coins de la wilaya, y compris les plus enclavés. Mais il est vrai que le lieu où s'organise et se déroule le festival, c'est-à-dire la maison de la culture Mouloud Mammeri, est encore trop exigu pour abriter les centaines d'activités de différentes disciplines programmées pendant l'année, même si les promoteurs de cette manifestation se permettent à certaines occasions de déplacer les activités vers certains chefs-lieux de daïra et même au stade Oukil Ramdane de la ville des Genêts. Pis encore, les organisateurs ne prévoient aucune activité en lien avec le festival après la clôture, alors que si cette manifestation doit créer une dynamique culturelle, cela doit se poursuivre avec d'autres activités comme, par exemple, une exposition sur le déroulement du festival, avec notamment des photos et autres documents. Avec également une présentation des troupes participantes, leurs cultures, leurs danses et surtout les histoires que leurs différentes activités racontent. Cela, pour que le public de Tizi Ouzou garde le contact avec la manifestation avec ses différents aspects qui est supposée alimenter sa curiosité autour de la culture africaine, et même arabe. Permettre aussi à sa curiosité de se perpétuer, en attendant une nouvelle édition du festival qui se trouvera bien nourrie par toutes ces activités.Le Festival arabo-africain des danses folkloriques n'est pas la seule manifestation abritée par Tizi Ouzou. D'autres festivals ont lieu autour du théâtre, du cinéma et même plus récemment autour du livre et de la lecture qui est institué par le ministère de la Culture au niveau de toutes les wilayas du pays. Pour ce dernier festival, une question importante se pose : peut-on avoir un festival autour du livre et de la lecture quand cette même lecture est une activité qui ne constitue pas une attraction pour la population, encore moins pour les enfants qui sont la principale cible de cette manifestation ? Il est clair que l'intention des pouvoirs publics en initiant une telle manifestation est d'amener les citoyens, notamment les enfants à reconsidérer le livre et la lecture et les encourager à les adopter pour leur épanouissement. Mais l'essence même d'un festival n'est-elle pas un aboutissement d'une lecture déjà existante et surtout florissante ? A Tizi Ouzou, les bibliothèques sont quasi-inexistantes. Où les participants à ce festival vont trouver les livres et des espaces de lecture à la fin de la manifestation ? Les projets de bibliothèques existent certes mais leur réalisation n'est pas encore une réalité dans cette wilaya où les délais de réalisation sont rarement respectés. Il est clair que ce festival n'est pas inutile en soi, mais il est certainement encore loin de constituer la dynamique qu'il est censé créer dans la société, notamment parmi les enfants.