Photo : Riad Par Smaïl Boughazi Malgré les performances financières enregistrées en Algérie ces dernières années, les bouleversements économiques que connaît actuellement l'Europe sont considérés comme une menace sérieuse à cette stabilité macroéconomique. Et il s'agit là de craintes affichées par les experts et les responsables économiques du pays. Le premier élément qui pourrait peser sur les grands équilibres de l'économie algérienne est celui des prix du pétrole en proie actuellement à une instabilité chronique. Et les craintes de leur effondrement ont été déjà affichées par le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui en a fait part récemment en évoquant au même titre l'accentuation de la crise en Europe. Cependant, cette crainte ne trouverait pas de justification si les exportations algériennes n'étaient pas dominées par les hydrocarbures. Un élément à conjuguer avec la position commerciale de l'Algérie avec les pays de l'Union européenne (UE).A ce titre, il est à rappeler que les pays de l'UE sont les principaux partenaires commerciaux de l'Algérie, avec 51% des importations et 49,3% des exportations en 2010. Après les USA, l'Italie est le 2e client de l'Algérie, suivie par l'Espagne, la France et les Pays-Bas. Côté fournisseurs, la France occupait, en 2010, la 1ère place, suivie de la Chine, de l'Italie, de l'Espagne et de l'Allemagne. Des experts estiment de ce fait que l'impact sera «important» pour l'Algérie. L'économiste Mustapha Mekidèche, cité par l'APS, pense que l'Algérie s'est engagée dans un processus de mise en place d'un marché de libre-échange avec l'UE et les choses se dégradent au moment où le pays souhaite réviser son calendrier de démantèlement tarifaire. «Cela tombe très mal pour nous, dit-il, car les marges de manœuvre de l'UE se réduisent notablement.» Il prévoit un chamboulement dans les exportations algériennes d'hydrocarbures. «Nos programmes d'exportations d'hydrocarbures vers l'Europe, notamment l'Italie, l'Espagne et plus tard l'Angleterre vont trouver des marchés déprimés si la croissance n'est pas au rendez-vous, ou pire si ces pays entrent en dépression», a-t-il prévu. Il ajoutera que «cela posera un problème sérieux pour nos recettes en devises dans cette région dans laquelle nous avons traditionnellement de fortes parts de marché dans le secteur de l'énergie». Prix du pétrole et importations : les risques se précisent En revanche, d'autres observateurs de la scène économique mondiale jugent que l'impact de la crise en Europe sur l'Algérie pourrait être visible à court et à moyen terme sur deux plans, outre la baisse des recettes d'hydrocarbures du fait de la baisse de la consommation d'énergie en Europe. Il s'agit des restrictions sur le flux d'immigration et un accroissement des exportations européennes vers la rive sud-méditerranéenne dont l'Algérie. «Nos factures d'importation notamment agroalimentaires, et on commence déjà à le ressentir, vont augmenter sensiblement par les effets spéculatifs que la crise induit sur les économies réelles européennes», jugent des observateurs. La circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée serait aussi affectée par ces politiques d'austérité qui «vont certainement avoir une incidence non seulement sur la consommation interne mais aussi sur l'emploi, ce qui va pousser les pays européens à adopter des mesures pour limiter l'accroissement du chômage amplifié par le phénomène d'immigration», a expliqué Chikhaoui à l'APS. Si sur le plan économique, les effets sont connus, sur les plans politiques, les choses se compliquent davantage sachant que notre pays est lié au Vieux Continent par un accord d'association décrié par plusieurs strates de la sphère économique. L'accord en question est même au cœur de négociations pour la révision du démantèlement tarifaire prévu en 2017. Sur cette question, les observateurs sont également catégoriques. L'Algérie pourrait avoir des difficultés pour arracher le report du démantèlement. L'Europe en récession : le FMI confirme Et au moment même où l'Europe assiste impuissante à la transformation de la crise économique en une crise politique et de confiance, les institutions multilatérales enfoncent le clou. Le Fonds monétaire international (FMI) a confirmé la semaine dernière le risque de récession évoqué par la Commission européenne, en révisant fortement en baisse sa prévision de croissance pour la zone euro, à seulement 0,5% en 2012 contre 1,8% attendu auparavant. Une prévision confirmée également par la BCE dans un rapport. Le FMI a admis qu'il y avait un risque certain que les grandes puissances économiques retombent en récession. Le Fonds estime que la reprise des économies avancées patine. «Paralysie et incohérence ont contribué à exacerber l'incertitude, à une perte de confiance et à une tension accrue du marché financier», analyse-t-il.Enfin, pour contrer cette énième crise du capitalisme, l'Algérie n'aura pas d'autres choix que d'«œuvrer pour réduire la dépendance aux importations européennes, à travers un plan d'urgence qui encourage la production nationale», et réduire la dépendance «dangereuse» vis-à-vis de la fiscalité pétrolière, estiment les spécialistes.