Photo : Riad Par Amirouche Yazid Lancée en grande pompe par les pouvoirs publics, l'opération Ousratic, consistant à doter les foyers algériens en micro-ordinateurs, ne semble pas avoir les résultats escomptés. Même avec l'insistance de l'ancien ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, l'opération en est restée au stade des intentions. En lançant une enquête pour vérifier le taux de suivi de l'opération, les autorités avaient déjà des appréhensions quant à son succès. Les conclusions de l'enquête sont venues, en effet, confirmer les doutes exprimés ici et là et l'hésitation de la population à s'inscrire dans cette démarche. L'aveu d'échec a été livré au milieu du mois de septembre par la voix du p-dg de l'Eepad, qui a reconnu que l'opération n'a pas eu l'effet attendu. La même source a rappelé qu'«il était prévu d'équiper 6 millions de foyers en outils informatiques à l'horizon 2010. En 2008, l'Eepad n'a vendu que 25 000 packs Ousratic en Algérie». Le responsable de l'Eepad a expliqué cet échec en relevant «les contraintes bancaires rencontrées dans l'obtention d'un prêt pour l'achat d'un micro-ordinateur et à l'absence de contenus à valeur ajoutée». Loin de se déclarer découragé par la lenteur prise par l'opération, il promet de lui donner un second souffle. Le secteur ciblé est celui de l'éducation. C'est dans cet esprit que «le réseau Tarbiatic» a été initié dans les établissements scolaires. Qu'est-ce que le «réseau Tarbiatic» ? C'est une plate-forme pédagogique qui met en réseau l'administration, les enseignants, les élèves et leurs parents pour la participation de chacun dans la vie scolaire. Lancée en février dernier au profit de 100 écoles, l'opération ne connaîtra pas vraisemblablement une issue différente de celle d'Ousratic tant le département de Benbouzid patauge dans des problèmes de base. Afin de concrétiser la généralisation et la démocratisation de l'Internet dans le milieu scolaire et universitaire, le premier responsable de l'Eepad avait annoncé «qu'un PC portable doté d'un accès Internet sera proposé aux élèves et aux étudiants dans un délai d'un mois au prix de 29 900 DA». Dans un secteur qui n'arrive pas à assurer une place pédagogique pour tous les élèves inscrits, il est manifestement illusoire d'espérer voir l'informatique et ses outils intégrer les écoles algériennes. Théoriquement, l'introduction du réseau «Tarbiatic» devait permettre à l'élève de poursuivre ses cours en dehors des heures d'enseignement. Dans les faits, les choses se présentent autrement. Après deux semaines d'école, des élèves découvrent que quelques matières ne seront pas assurées faute d'enseignants. Est-il ainsi possible de convaincre les élèves de la possibilité de s'initier à l'informatique dans une école qui manque de craie et, parfois, d'enseignants ? Il y a un constat qui ne peut être réfuté : les établissements de savoir, telles l'école et l'université, peinent à s'informatiser. Les étudiants en témoignent à longueur d'année en apprenant la disparition de l'un de leurs documents administratifs. Que dire, alors, du taux de pénétration d'Internet dans les foyers algériens ? Ce n'est un secret pour personne que nombreuses sont les familles algériennes à posséder un micro-ordinateur. Ce qui demeure difficile à vérifier est plutôt l'usage de cet outil de travail pour les uns, de distraction et d'information pour les autres. «Nous avons répondu à la demande de notre fils qui a voulu posséder un micro. Mais après une courte période d'utilisation, le micro a été complètement abandonné. Il est devenu aujourd'hui sans aucune utilité», témoigne une mère de famille. Le taux de possession de micro-ordinateurs n'est pas automatiquement identique à celui de la pénétration d'Internet dans les foyers. Des ménages se sont, en effet, procuré des micros sans user quotidiennement de cet instrument. A première vue, c'est à cause des dépenses générées. Car le citoyen peut faire des économies dans la perspective d'acheter un micro. Ce qu'ont fait jusque-là beaucoup d'Algériens de toutes les catégories sociales. Mais pour établir une connexion permanente, l'exercice est loin d'être une sinécure pour un Algérien qui vit au rythme d'un pouvoir d'achat en continuelle érosion. «Je me retrouve parfois dans des situations qui m'obligent à avoir la connexion Internet chez moi pour des recherches liées à mon travail, donc je suis tenu de payer un abonnement. Certes, cela m'arrange énormément puisque je gagne du temps, mais je dois reconnaître que ce n'est guère facile de supporter des dépenses supplémentaires», estime Madjid, qui est employé dans une entreprise privée. C'est la même appréciation faite par Youcef, fonctionnaire dans une banque publique. Pour lui, l'Internet est un outil indispensable même loin du lieu de travail. Il avoue, néanmoins, que «cela influe considérablement sur le budget de la famille». Pour la classe sociale aisée, le problème ne se pose pas. «L'Internet fait partie de nos éléments de vie quotidienne», explique Amina, fille d'un directeur d'entreprise, avec un sentiment de contentement. Le paramètre ne s'applique pas à toutes les familles. Certaines mêmes avec des salaires très élevés n'accordent pas d'importance ni d'intérêt à l'Internet. Les préoccupations ne sont pas toujours identiques quand bien même le niveau de vie serait similaire. Mais là où le bât blesse c'est au niveau des entreprises aussi bien publiques que privées. Elles sont, en effet, très rares les entreprises qui sont dotées d'une connexion Internet. Ceux qui rejoignent ces sociétés pour travailler restent sans voix en découvrant que les choses dans sa seconde famille fonctionnent à l'heure du fax. A l'ère de la technologie de pointe, des entreprises publiques, à l'image de la Poste, ne trouvent pas d'inconvénient à signifier aux usagers l'impossibilité d'effectuer une simple opération postale. Le citoyen algérien n'arrive pas à comprendre la portée de la phrase sibylline qu'on lui annonce à partir du guichet : «Le réseau est en panne.» Dans l'Algérie du troisième millénaire, des entreprises de presse, vecteur essentiel dans la distribution de l'information, ne sont pas dotées d'une connexion Internet qui n'est plus une option de travail, mais plutôt un outil de base. Il suffit, néanmoins, d'apprendre que le département le plus concerné par cette question, à savoir le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, ne se distingue nullement des autres institutions en matière d'informatisation des modes de travail pour se convaincre du retard qu'accuse le pays dans ce domaine. La surprise de Lyes fut, en effet, grande quand il a appris que l'entreprise de communication dans laquelle il travaille doit envoyer par fax son courrier à un ancien ministre des PTIC. «Franchement, je m'attendais à toutes les imperfections et autres lacunes, mais pas au point de constater qu'un ministre qui fait de la promotion des technologies de l'information communique avec des moyens d'une époque révolue», relèvera-t-il sur un ton de déception. Les spécialistes du secteur s'accordent à dire que l'Algérie a un long chemin à parcourir dans le domaine et «le taux de pénétration Internet pourra atteindre 40% d'ici à 2010 si les nouvelles technologies de l'information et de la communication trouvent l'engouement nécessaire au sein de la population et le terrain favorable à leur développement en Algérie».