Tombée en panne peu après son lancement, en septembre 2005, suite à un manque de synergie entre les parties prenantes et d'autres incohérences, l'opération Ousratic est née d'une politique volontariste des pouvoirs publics. Une politique dont l'objectif était de doter chaque famille d'un ordinateur à l'horizon 2010, par des crédits bancaires. Finalement, cette opération, pilotée par le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (MPTIC), s'est vite retrouvée au centre de toutes les critiques. Au-delà de ces critiques (enjeux financiers, précipitation quant à la mise en place…), fondées ou non, sur le terrain les premiers grincements sont venus des conditions posées par les banques et le taux d'intérêt qu'elles appliquent à l'emprunt. Un obstacle qui, après de larges concertations et l'injonction du ministère des Finances, demandant aux banques parties prenantes (cinq au total) de mieux s'impliquer dans l'opération en assouplissant leurs règles prudentielles, a fini par être surmonté. Du coup, la tutelle a cru, enfin, atteindre l'objectif fixé : équiper 6 millions de foyers d'ici à l'horizon 2010 à raison de 1 million de PC par an. Des résultats mitigés frôlant même l'échec Au fil des mois, l'estimation du MPTIC s'est avérée erronée. Deux ans après son application, il s'est vendu, dans le cadre de cette démarche, seulement 150 000 unités. Les autorités espéraient atteindre le million de PC en 2006. Autre preuve qui confirme ce constat d'échec : l'étude réalisée par la Forem et rendue publique lors d'une conférence organisée en parallèle du salon Hi Tec 2007, expliquant pourquoi le programme Ousratic n'atteindra jamais ses objectifs. «Selon les prévisions les plus optimistes et en mettant toutes les chances de son côté, le programme Ousratic permettra d'équiper au maximum 2,8 millions de foyers vers l'année 2009, avec une cadence de 700 000 PC livrés chaque année», avait déclaré le conférencier et président de la Forem, le professeur Khiati. Une conclusion qui s'appuie, selon ce dernier, sur les déclarations d'un certain nombre d'experts. Il semblerait, à ce propos, que le niveau de vie encore bas d'une grande partie de la population soit l'un des principaux facteurs bloquant l'évolution de l'opération. Le niveau d'instruction de la population avait également été mis en exergue. «75% de la population algérienne possède un niveau d'instruction considéré comme moyen, ce qui représente un élément plus ou moins handicapant pour le développement d'une opération telle que Ousratic», avait-on encore argumenté. Des modalités d'acquisition encourageantes pour de faibles résultats Les modalités d'acquisition d'un PC sont théoriquement simples. Toute personne qui souhaite devenir propriétaire d'un PC doit justifier d'un revenu mensuel supérieur ou égal au SNMG. Au début du lancement de Ousratic –depuis, les choses ont changé comme si cette opération n'avait jamais existé-, les formulaires de demande de prêt étaient disponibles auprès des agences postales ou des banques publiques (BNA, BEA, BDL, CPA, la SAA et CAAR). Au dépôt du dossier, le demandeur choisit un délai de remboursement du prêt de 12, de 24 ou de 36 mois. Le taux d'intérêt estimé à l'époque était de 9% par an, mais il a été revu à la baisse pour être fixé à 7%. Une fois le dossier accepté (8 jours maximums de délai de réponse), l'organisme de prêt délivre un bon d'enlèvement qui permet de prendre livraison auprès d'un des fournisseurs agréés par l'opération Ousratic (Alfatron, Eepad, Kourty informatique, SLC, Eepad Assila) sans fournir d'apport personnel. Une particularité exclusive au programme Ousratic. La fourchette des prix se situe entre 37 000 et 47 000 DA pour un ordinateur de bureau et entre 65 000 et 85 000 DA pour les PC portables. Au début de l'opération, un certain engouement a été enregistré pour se transformer, au fil des semaines, en un désintérêt sensible. Les fournisseurs parties prenantes dans l'opération (liste ci-dessus) accusant les banques d'être à l'origine de cette situation de léthargie de la démarche «un PC par famille». Et ce, au point que quelques fournisseurs ont reproché aux banques de ne pas avoir respecté leurs engagements. Aussi, les lenteurs dans le traitement des demandes et l'accord des crédits ont fini par exacerber les revendeurs agréés, surtout les fournisseurs car accusant un manque à gagner considérable. Ces derniers avaient mis le paquet pour répondre à l'ampleur de la demande que pouvait déclencher l'engouement des familles pour l'acquisition d'un PC à crédit. Mais, faute de célérité, nombreux ont été les pères de famille ayant abandonné l'offre Ousratic. Du côté des banques, c'est un autre son de cloche. On apprendra que, dès les premiers mois du lancement de cette opération de crédit à la consommation, certains établissements financiers ont accusé des impayés. Le risque ne se pose pas avec les «domiciliés», détenteurs d'un compte bancaire, selon les responsables de banques. «Le problème se pose surtout avec les détenteurs de CCP, les prélèvements des mensualités à rembourser n'ont pas été effectués et les banques enregistrent un retard dans les remboursements du crédit», ont-ils expliqué. D'où la décision de geler les crédits. Avec l'adhésion de la banque Cetelem au programme, on croyait attirer de nouveau les familles. Mais, il n'y a pas eu de résultats sur le terrain de la demande. Autant dire que Ousratic est tombé en désuétude. Par ailleurs, selon des observateurs proches du dossier, Ousratic aurait échoué non seulement par le fait de contraintes bancaires rencontrées parles familles dans l'obtention d'un prêt, mais aussi face l'absence de contenus à valeur ajoutée, chose d'ailleurs très demandée. D'après ces derniers, l'opération Ousratic ne devait pas rester uniquement une opération financière et juteuse pour les assembleurs et importateurs mais devait créer une multitude de sociétés de service informatique et de contenu. Ousratic devait toucher le citoyen et permettre au moins le rapprochement du citoyen avec l'administration. En bref, préparer le eGov et la cyberadministration. Une démarche qui a pour but d'améliorer le processus de traitement de l'information effectué par l'administration et de rendre les activités administratives plus efficaces, plus rentables et plus proches des citoyens, grâce à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC). Une opinion soutenue par les fournisseurs d'accès à l'Internet (Provider) constitués en association, l'Asafsi, explique cet échec de Ousratic par l'absence de contenu. «Sans développement de contenu, le programme “Un PC par famille” ne connaîtra pas de déploiement», a soutenu le président de l'Asafsi. Autre remarque émanant des Provider : «Pour atteindre les objectifs escomptés à travers Ousratic, une condition doit être remplie, il faut que toutes les lignes téléphoniques bénéficient de l'ADSL, ce qui n'est pas le cas.» Sans le déploiement d'une infrastructure, on ne peut pas augmenter le taux de pénétration du micro-ordinateur dans les foyers algériens pour réduire la fracture numérique. Le second souffle d'Ousratic Quatre ans après son lancement, le programme Ousratic s'est soldé par de piètres résultats. 200 000 PC vendus (au lieu des 5 000 000 prévus à échéance 2009) dans le cadre du programme en question, dont 150 000 l'ont été, selon le chargé de l'opération Ousratic, Ouhadj Mahiedine, cadre au MPTIC, par le bais des commissions des œuvres sociales et mutuelles d'institutions étatiques. Cette opération, au demeurant extrêmement intéressante, a échoué. Au sein du ministère, on impute ces résultats à l'absence de services et à la non-implication des secteurs de la finance, de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Ajoutons aussi la cherté de l'ordinateur, qui est pour beaucoup dans cette débâcle. Un aveu d'échec de l'opération qui a poussé les pouvoirs publics à abandonner le programme ou élaborer une autre stratégie à même de susciter un engouement chez les familles. La deuxième solution a été retenue. Ce que d'ailleurs avait confirmé Hamid Bessallah, lors de l'une de ses premières sorties médiatique après sa nomination au poste de ministre des PTIC à la mi-2008, soutenant par là : «Ousratic ne mourra pas.» Et d'annoncer : «Nous allons vers un autre Ousratic.» Expliquant le recours à cette décision : «Après l'évaluation de la première opération, nous avons constaté qu'il y avait nécessité de lancer une nouvelle version car cette opération, qui reste prioritaire dans le cadre du plan stratégique de e-Algérie 2013, même si elle n'a pas atteint les objectifs tracés dans le cadre de sa première version.» Il est utile de rappeler en outre que le MPTIC a, depuis, après avoir cautionné officiellement le constat d'échec de l'opération «Un PC par famille», décidé d'engager une enquête sur ledit projet pour cerner les problèmes ayant empêché jusqu'à aujourd'hui l'épanouissement d'un tel programme. Ouhadj avait même indiqué à propos de cette enquête, qu'elle a été confiée à un centre de recherche en économie pour diagnostiquer et situer les responsabilités qui ont été derrière la mauvaise gestion de ce projet. «Une fois les résultats de l'enquête connus, nous relancerons l'opération avec un nouveau souffle», avait lancé Ouhadj aux médias lors de ses sorties sur le terrain. Ce dernier, ne donnant que d'infimes détails sur quoi allait reposer la nouvelle stratégie, prétextant par là que «l'opération Ousratic figure parmi les priorités du programme quinquennal du ministre (2009 - 2013), dont les contours ne sont pas encore totalement définis». Bessalah dira seulement que «la population juvénile, les lycéens et les étudiants, seront particulièrement ciblés pour la relance de l'opération Ousratic». Des facilités d'achat de micro-ordinateurs leur seront accordées, notamment à travers la baisse des prix des ordinateurs. La TVA sera révisée à la baisse en tant que procédure d'accompagnement de cette politique. Si le pari a été réussi dans d'autres pays, à l'exemple de l'Egypte, pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas chez nous ? il y a donc lieu de mettre en place des mesures incitatives à même d'accroître l'accès des ménages aux équipements et réseaux numériques, à la condition, bien sûr, de l'existence d'une assez large couverture en accès à haut et très haut débit. C'est là l'un des points d'achoppement de la nouvelle stratégie que comptent mener les pouvoirs publics pour éviter qu'Ousratic II ne connaisse les mêmes déboires que son prédécesseur. Z. A.