Les Egyptiens ne décolèrent pas. Après les affrontements d'avant-hier, ils ont décidé, hier, de réinvestir la mythique place Al Tahrir et de se l'approprier à nouveau. Cette fois-ci et à une semaine des premières élections législatives après la chute du régime de Moubarak, ils ne demandent pas moins que la tête du maréchal Tantaoui. A l'instar de la révolution de janvier dernier, la colère a gagné d'autres villes où les heurts ont également opposé des protestataires aux forces antiémeutes. Des affrontements, faut-il le rappeler, qui interviennent au lendemain de violences similaires qui ont fait deux morts et des centaines de blessés. Depuis les premières heures du matin, les manifestants occupaient la place Al Tahrir au Caire, et des heurts sporadiques opposaient la police à des manifestants aux abords du ministère de l'Intérieur situé à proximité de l'emblématique place. Pour disperser les manifestants, les forces de la police antiémeutes tiraient régulièrement des gaz lacrymogènes, tandis que des dizaines de protestataires dressaient des barricades aux abords du bâtiment ministériel, selon les médias. Souffrant d'intoxications au gaz lacrymogène et blessés par des balles en caoutchouc ou des plombs de chasse, certains manifestants étaient soignés dans des hôpitaux improvisés dans les mosquées aux abords de la place Al Tahrir, épicentre de la contestation en Egypte. Les groupes de manifestants scandaient des slogans en faveur du transfert du pouvoir aux civils, et réclament la chute du maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis le départ du président Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire en février dernier. Le pouvoir militaire a d'ailleurs intimé aux télévisions étatiques de stopper les retransmissions directes à partir de place Al Tahrir. Les appels à la «retenue» et à la «raison» lancés par le gouvernement n'ont pas apaisé la tension. Celle-ci a néanmoins gagné d'autres villes du pays depuis samedi soir. Des rassemblements similaires ont eu lieu dans d'autres villes, notamment à Assouan, Alexandrie et Suez. Ces manifestations, les plus violentes depuis la chute de Moubarak, interviennent à moins d'une semaine des élections législatives du 28 novembre en cours, les premières depuis la chute du régime de Moubarak. A propos d'un possible report de ce scrutin réclamé par certaines parties, un membre du CSFA, le général Mohsen El-Fangari, a assuré que les élections se tiendraient comme prévu et que les autorités étaient en mesure d'assurer la sécurité. «Nous n'allons pas céder aux appels pour reporter le scrutin. Les forces armées et le ministère de l'Intérieur sont capables d'assurer la sécurité des bureaux de vote», a-t-il affirmé. Plusieurs personnalités politiques et intellectuelles, dont Mohamed El-Baradei, l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ont publié un document demandant un délai supplémentaire pour ces élections, dans le cadre d'une révision du calendrier politique du pays. Pour calmer les esprits, le gouvernement a appelé à la «raison», soulignant la gravité des évènements que connaît le pays. «Ce qui se passe est dangereux et a un impact direct sur la marche du pays et de la révolution», a affirmé le gouvernement dans un communiqué publié dans la nuit de samedi à dimanche. «Manifester pacifiquement est un droit constitutionnel inaliénable», mais «le fait que les événements se sont déroulés de cette manière (...) nécessite de la part de tous de se montrer raisonnables et responsables», a-t-il ajouté. Le gouvernement a dit examiner actuellement «les circonstances (dans lesquelles se sont déroulés) les événements» qui «seront exposées dans la transparence et la clarté au peuple dans les jours à venir», selon ledit communiqué.