La Tribune : Comment s'annonce la compagne actuelle et en votre qualité d'exportateur où en êtes-vous en matière d'exportation? GHEMRI YOUCEF : Nous avons enregistré dans la wilaya de Biskra d'assez bons rendements. La qualité est aussi bonne. C'est d'ailleurs le même topo dans d'autres wilayas où la culture du palmier est très développée. Pour ce qui concerne les exportations, c'est le statu quo. Nos commandes d'achat sont restées égales à celles de la campagne précédente. Quelles en sont les véritables raisons Nous sommes de moins en moins compétitifs sur le marché de l'export. Nos voisins qui, eux aussi, produisent de la Deglet Nour, proposent des prix nettement inférieurs aux notre, ce qui pousse les acheteurs européens à s'orienter systématiquement vers la production tunisienne. Une production qui d'année en année s'améliore, au point où leur Deglet Nour est devenue presque identique à la notre. C'est dire qu'ils ont réussi le pari de nos supplanter dans une variété de dattes considérée comme notre locomotive des exportations hors hydrocarbure. Peut-on en savoir un peu plus sur la non compétitivité actuelle ? Comme je vous l'ai dit, nos voisins tunisiens arrivent sur les marchés externes avec des offres de prix en net recul par rapport aux nôtres. En d'autres termes, leur prix de revient à la production est inférieur au notre. Peut-on changer cette tendance ? Pour que vous compreniez pourquoi notre prix de revient reste élevé, je prends l'exemple du coût de revient de 5 containers de 20 tonnes conditionnés et destinés à l'export, le prix d'achat de la Deglet Nour à lui seul monte à 18 millions de DA. Un conditionneur exportateur pour s'en sortir devrait traiter au moins une dizaine de containers à exporter par an. On peut aisément en évaluer le coût. Ajoutez à cela le conditionnement, le triage, le lavage, la stérilisation, les barquettes, la plastification, la main-d'oeuvre, le transport, l'énergie, la chambre froide, etc. et vous aurez un prix qui dépasse les 2,3 euros à Marseille. Or, les Tunisiens réussissent à vendre le kilo à 2 euros à Marseille. Un tel tarif n'est pas sans susciter des interrogations, sachant pertinemment que nos voisins ont pratiquement les mêmes charges que les notre et sont aussi à des niveaux de rendement par palmier presque égal. Dès lors, je peux en déduire, en rejetant l'hypothèse que les Tunisiens pratiquent le dumping, qu'ils disposent d'un soutien de l'Etat ou d'une mesure quelconque d'accompagnement qui nous manque. Pour revenir à votre question, je dirai que nous pouvons changer la donne. Il suffirait que les exportateurs reçoivent une aide bonifiée. Ainsi, le conditionneur-exportateur pourrait, grâce aux produits labellisés entre autres, réduire les prix proposés sur les marchés extérieurs en dessous de la barre des 2 euros. Je dirai enfin que beaucoup d'exportateurs ont commencé à comprendre que sans un dispositif d'accompagnement de l'Etat, ils seront contraints d'abandonner leur activité et de se consacrer uniquement au marché local. Comment jugez-vous le marché local ? Il reste dominé par la spéculation. C'est pourquoi au sein de notre association de producteurs et de conditionneurs, nous sommes convaincus qu'en disposant de moyens financiers importants, nous pourrions faire barrage à la spéculation en régulant le marché de la datte. En d'autres termes, notre filière, en disposant de ressources financières importantes, pourrait acheter cash un maximum de production de la région et faire face ainsi à des concurrents féroces largement plus riches que nous. Nous devons acquérir coûte que coûte la quantité de dattes suffisante pour fonctionner le reste de l'année, conditionner le produit en vue d'exportation, et tenir durant la période de soudure, c'est-à-dire 9 mois.