Du côté du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, on table cette année sur l'exportation de plus de 500 000 quintaux de Deglet Nour contre 431 000 en 2009. Cet objectif reste réalisable sous réserve que les conditionneurs-exportateurs aient préparé leur campagne d'expédition avec beaucoup de minutie et, bien sûr, que les cargaisons acheminées trouvent preneurs. C'est pratiquement chose faite pour la première condition mais, pour la seconde, c'est une autre paire de manches puisqu'elle relève plus de facteurs exogènes. En effet, n'a-t-on pas assisté auparavant au retour vers nos ports de chargements entiers non pas pour des raisons de qualité intrinsèque du fruit ou des conditions de conditionnement qui ne répondent pas aux standards européens mais tout simplement parce que les dattes expédiées n'ont pu trouver preneurs. Les connaisseurs du circuit expliquent que c'est là une conséquence directe de la non-maîtrise du marché d'exportation de la datte par les opérateurs versés dans ce type d'activité. D'autres spécialistes proches du dossier des exportations hors hydrocarbures estiment, pour leur part, que la datte Deglet Nour est d'une grande valeur marchande. «Elle a de grandes chances de conquérir de nouveaux marchés à condition de mener sans relâche des campagnes de promotion sur de plus larges horizons.» Cette démarche tarde à se mettre en place, malheureusement, au détriment du potentiel commercial de ce produit. En revanche, nos voisins tunisiens ne cessent de gagner des parts de marché faute de véritables concurrents. En effet, les anciens exportateurs nationaux continuent à travailler avec leurs clients traditionnels dont les commandes sont insignifiantes par rapport aux volumes de dattes exportables. «D'ailleurs, ils laissent cette impression que la recherche de nouvelles niches de débouchés ne les intéressent nullement», ont affirmé des responsables de Cagex, institution chargée du commerce extérieur hors hydrocarbure. Quant aux nouveaux exportateurs, ils espèrent le faire mais, pour eux, cela reste tributaire de l'aide de l'Etat. Ils ont d'ailleurs constitué l'Association nationale des exportateurs pour mieux faire parvenir leur message chaque fois que l'occasion se présente, notamment lors de séminaires sur le thème des exportations hors hydrocarbure, qu'organise à répétition l'Agence nationale pour la promotion du commerce extérieur (Algex). Au sein de cette association, on considère que si l'on veut gagner et conserver des parts du marché, quelle que soit la qualité intrinsèque de nos produits, nous aurons besoin de crédits bonifiés ou sans intérêt face à une concurrence de plus en plus agressive. «Les Tunisiens cèdent leur produit à Marseille à 2 euros le kilogramme alors que notre prix oscille entre 2 et 3 euros/kg», ont indiqué des membres de ladite association. Et d'expliquer : «Le fait que nos dattes soient largement supérieures en qualité par rapport à d'autres productions étrangères, ne suffit pas car, pour être concurrentiel, il faut s'aligner sur le prix de cession de la production tunisienne.» Nos interlocuteurs nous ont expliqué qu'il leur est difficile sinon impossible de faire descendre le coût de revient à l'exportation au-dessous de la barre des 2 ou 3 euros le kg : «Il ne faut pas oublier qu'en plus du prix d'achat de la Deglet Nour chez les producteurs, il faut ajouter le conditionnement, le triage, le lavage, la stérilisation, les barquettes, la plastification, la main-d'œuvre, le transport, l'énergie, la chambre froide, etc. et vous aurez un prix qui dépasse les 2 ou 3 euros, rendu à Marseille», ont détaillé des conditionneurs-exportateurs. Pourtant, les exportateurs tunisiens ont, eux aussi, le même nombre de charges qui entrent dans la composition du prix de revient du kilogramme exporté ? D'après des exportateurs locaux, leurs homologues tunisiens disposent sûrement d'un soutien de l'État ou d'une mesure quelconque d'accompagnement et «peut-être que nos concurrents directs pratiquent le dumping pour sauvegarder leurs parts de marché», doutent certains opérateurs. «Chez nous, en tout cas, le soutien dans le sens de faire baisser le coût de revient n'existe pas et, pourtant, avec une aide bonifiée, les conditionneurs-exportateurs pourraient, grâce aux produits labellisés, entre autres, réduire les prix à l'étranger en dessous de la barre des 2 euros. Le label Deglet Nour récupéré et usité par des exportateurs étrangers Il fait croire que le label est le maillon faible du circuit d'exportation de la datte Deglet Nour car, faut-il le rappeler, il constitue un moyen efficace pour la conquête de nouveaux marchés extérieurs. Mais il faut se rendre à l'évidence que cet aspect n'a pas été pris au sérieux au point que notre voisin tunisien s'est vite empressé de mettre à profit cette grosse lacune pour l'utiliser à son profit. Ce que d'ailleurs nous ont confirmé des producteurs de la région de Tolga et de ses environs. Selon eux, les Tunisiens seraient en voie de déposer l'appellation «Deglet Nour» auprès des instances internationales de certification, afin qu'elle devienne leur propriété exclusive, une sorte d'appellation contrôlée au moment où cette variété exceptionnelle est un produit originaire du terroir de Tolga. Si cela venait à se concrétiser, c'est non seulement une grosse perte de parts de marché mais aussi une grande partie de notre production nationale sera prise en charge par le circuit informel et, partant, nous assisterons au développement de son acheminement hors frontière. Conscients du risque encouru faute de label, les pouvoirs publics ont vite pris le dossier en main (voir encadré). «Pour pouvoir exporter plus, il faut produire beaucoup plus» C'est là un avis qui ne fait pas l'unanimité au sein de l'Association des conditionneurs-exportateurs. Les arguments avancés par les adversaires de cette idée tiennent la route. Ils soutiennent d'ailleurs que «si la palmeraie algérienne a augmenté de 50%, ce n'est pas pour autant qu'il faudrait s'attendre à exporter plus. Ce n'est pas automatique». De plus, ils apportent d'autres éléments qui démontent la thèse citée ci-dessus. On peut citer par exemple le manque d'esprit d'initiative chez nos exportateurs, laissant ainsi le champ libre à nos concurrents, et d'autres carences qui éloignent pour l'heure toute perspective de voir nos exportations se développer au rythme de la croissance de la production nationale. Le premier responsable de l'Agence nationale pour la promotion du commerce extérieur (Algex), M. Bennini, a affirmé, lors d'une sortie médiatique : «Je ne vois pas dans le court terme nos exportations de dattes augmenter.» Selon lui, pour que la tendance à la hausse intervienne, il faudrait l'implication de tous les acteurs du circuit. Et d'indiquer dans se sens : «Il va falloir donc qu'à tous les niveaux on se mette à penser, à s'organiser, à s'équiper et à agir en termes d'exportation avant le stade même de la production, jusqu'au supermarché du consommateur final à l'étranger.» Comment donc s'y prendre : par d'autres lois, des règlements, des installations spécifiques ? Pour M. Bennini, il y a en a suffisamment, «ce qu'il faut, c'est que l'ensemble des intervenants s'y mettent.» Faut-il comprendre à partir de ces propos que, pour l'heure, la volonté de faire bouger les choses en matière d'exportations de dattes comme d'autres produits agricoles ne se fait pas ressentir au grand dam des potentialités réelles d'exportation. Z. A. Identification géographique de la Deglet Nour Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a procédé, au début de l'année en cours, à la validation de la demande concernant l'attribution d'une indication géographique (IG) de la datte Deglet Nour de Tolga au profit de l'Association des producteurs de dattes de 10 communes de la wilaya de Biskra. L'opération de validation de l'IG avec la mention «Deglet Nour de Tolga» par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a eu lieu le 17 janvier dernier. Cet acquis, accueilli avec satisfaction par les producteurs de la région, confère aux plantations le caractère de région protégée et consacre l'authenticité de ce produit du terroir. Cette opération vise également la dotation du produit d'un label afin de prévenir toute forme de trafic lors de la commercialisation locale ou internationale.En effet, la datte algérienne, une des meilleures au monde, est vendue sous label tunisien. C'est regrettable mais c'est la réalité ! La production de Tolga est bradée en direction de la Tunisie, où elle est simplement emballée ou à peine conditionnée pour être vendue en produit de luxe aux quatre coins du globe. L'action des pouvoirs publics ne peut donc être que salvatrice en validant l'IG. Z. A.