Entretien réalisé par notre envoyé spécial à Djendjen (Jijel) Salah Benreguia
La Tribune : Le port de Djendjen est devenu, en l'espace de quelques années seulement, un port incontournable en Algérie particulièrement pour ce qui est des grands trafics de masse. Quel en est le secret ? M. Abderezak Sellami : Il n'y a pas de secret. Cette situation est le fruit de la première tentative en Algérie d'adaptation de l'outil national portuaire aux mutations technologiques affectant le monde des transports, grandes surfaces, tirants d'eau importants (réception des navires porteurs, unitarisation des charges, trafic roulier…). Cette année, le port a dépassé le cap des 3 millions de tonnes, un trafic jamais atteint. Notre port se situe parmi les premiers ports de l'Algérie. Le port de Djendjen reçoit plus de 85% de voitures importées.
Quelle sera la valeur ajoutée de votre alliance avec DP World, 3ème opérateur mondial de terminaux à conteneurs ? Concernant notre partenariat avec DP World, cette société est en cours de mise en place. Le démarrage effectif de cette société avec les résultats attendus ne va être perceptible qu'à la fin de réalisation des travaux d'infrastructure en cours à DjenDjen. N'oubliez pas que nous comptons réaliser 1 hub de transbordement de conteneurs qui va avoir une place importante en Méditerranée vu sa position stratégique. Ce terminal d'une capacité de 2 millions d'EVP/an (dont 49% en transbordement et 51% en trafics domestiques) va rayonner sur la Méditerranée. Ce terminal sera équipé de 14 portiques dont 12 de types Over Panamax à conteneurs, sans compter, par ailleurs, les investissements nécessaires au terminal.
A l'instar des autres ports, il existe, toutefois, des insuffisances notamment au niveau des ressources humaines… Oui, effectivement, depuis que nous avons pris fonction, et après un état des lieux, nous sommes arrivés à la conclusion que beaucoup d'insuffisances ont été relevées en matière de ressources humaines. A ce sujet, l'une de nos priorités va être la mise à niveau des ressources existantes conjuguées avec le recrutement de cadres de haut niveau. En effet, la dimension du port et ses ambitions nous obligent à prendre en charge ce volet au risque de voir nos concurrents de pays voisins capter des trafics à destination de l'Algérie.
Où en sont les travaux d'extension des ouvrages de protection du port de DjenDjen, menés par la société Daewoo Engineering and Construction ? Ces travaux pilotés par le ministère des Transports en sa qualité de maître de l'ouvrage, assisté par le laboratoire des études maritimes, en sa qualité de maître de l'œuvre, sont en cours. Ce projet consiste en un prolongement de la jetée principale de 400 mètres et le rétrécissement de la passe d'entrée du port de 250 mètres.
En Algérie, le secteur des ports étant considéré stratégique (on le qualifie souvent de poumon de l'économie), quelles devraient être les mesures de sauvegarde et de prudence envisageables pour la concrétisation d'une telle démarche, notamment dans le cadre de partenariat public/privé étranger dans le contexte actuel marqué par une crise financière en Europe ? L'un des éléments-clés du développement de cette activité reste sans conteste la formation et l'investissement. Si en matière d'investissement, les entreprises portuaires se sont équipées d'une façon plus ou moins satisfaisante, il n'en demeure pas moins que la formation demeure le maillon faible. En effet, nous considérons qu'il est urgent de créer une école de management portuaire comme cela se fait dans les autres pays à tradition maritime. Nous avons des infrastructures dans ce sens (ISM, universités). Ajoutez à cela les partenariats stratégiques en vue d'importation de savoir-faire (notamment avec les meilleurs ports).
Certains spécialistes soutiennent que le paysage portuaire algérien ne s'est jamais débarrassé de la présence continue de ces armadas de navires qui n'ont plus cessé de le particulariser depuis les années 70…. Je ne peux pas être d'accord avec vous, si on considère le port d'Alger, que vous avez sûrement remarqué, que depuis les décisions des pouvoirs publics qui consistent à orienter certains types de trafics vers d'autres ports (véhicules), la situation a beaucoup changé. La durée de séjour des navires à quai ou en rade a beaucoup diminué, sauf pour certains types de trafics (les vracs solides), vu l'absence d'installation spécialisée. Cette situation à moyen terme va changer, du moins au port de Djendjen pour les céréales, une fois que le terminal céréalier du GMS (Grand Moulin du Sud) sera opérationnel. Ce terminal va être en mesure d'absorber la totalité du trafic destiné à l'est et au centre-est du pays.