La compagnie Praxis de Miliana a présenté, samedi dernier, la pièce théâtrale Aoudet el ubbad, produite par le théâtre national algérien dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011». La pièce, adaptée du texte éponyme de Abderezak Boukeba à travers l'écriture dramaturgique de Souhila Belhouette et mise en scène par Sid Ahmed Kara, aborde, durant plus d'une heure, le parcours spirituel et humain du saint patron Sidi Boumediène Chouaïb, qui a vécu au XIIe siècle, natif d'Andalousie, dont le mausolée est à Tlemcen, fondateur d'une école au Maghreb et en Andalousie. Il a également longtemps résidé à Béjaïa comme enseignant formant plusieurs disciples. A ce propos, Abderezak Boukeba souligne : «Le point le plus important que j'ai abordé dans le texte, c'est la relation de ce grand saint avec le divin et sa perception de l'islam en tant que religion de paix, de tolérance et de respect de l'être humain quelle que soit sa race, sa religion, car c'est avant tout une créature divine. Malheureusement aujourd'hui, cette perception est réduite à une religion de paraître et de haine au point où l'on tue son prochain au nom de l'islam».Ainsi, la pièce relate le parcours de Sidi Boumediène Chouaïb depuis son enfance, son attachement à la confrérie soufie et ses cheikhs auprès desquels il s'est abreuvé de savoir dont Cheikh Sidi Abdelkader El Djilani, jusqu'à sa mort à Tlemcen. A souligner la pertinence de la mise en scène surtout sur le plan de l'occupation de l'espace scénique, où Sid Ahmed Kara a donné une véritable leçon en la matière, en exploitant toute les techniques possibles dans le domaine, remettant ainsi au goût du jour un art qui avait tendance à patiner ses derniers temps. De même, une attention particulière a été portée aux comédiens, tant sur le plan de l'expression corporelle que sur les techniques des voix ou des mises en situation des personnages. Par ailleurs, la pièce s'est également distinguée par le fait d'un subtil mélange entre des scènes spectaculaires à l'instar de celle de la hadra avec des transes, des cracheurs de feu et des combats à l'épée, que par celle plus spirituelle à l'instar des déclamation de poèmes, de versets coraniques ou l'émouvante scène finale de la prière où meurt le saint télescopé avec celle de sa naissance. Il faut également saluer la prestation de la vingtaine de comédiens présents sur scène dont celles de Oua'il Abou Rida, Adila Soualem, Mohamed Tikiret, Mounira Roubhi et Mohamed Adar. A propos de sa démarche, Sid Ahmed Kara confie : «Il s'agissait avant tout de présenter sur scène un théâtre spirituel soufie. Cela n'est pas quelque chose de nouveau, puisque le théâtre sacramental ou le théâtre du No sont des théâtres à caractère religieux.» Il ajoute : «Ce que j'ai essayé de faire, c'est de partir du texte départ il y a eu une réécriture dramatique et aussi la création de situation scénique afin de donner corps à la pièce. J'ai également basé mon travail sur le visuel.» C'est dans cet esprit que sur scène, on peut retrouver deux personnages de Sidi Boumediène : enfant et adulte. Cette démarche est voulue dans le but de sortir de la simple narration biographique de ce saint homme algérien, afin d'aborder le processus de sa quête spirituelle. Il était aussi important pour le metteur en scène de mettre en exergue les multiples facettes de ce grand homme qui a rayonné tant par son aspect religieux que par le fait qu'il était un grand poète, un grand homme de science, un grand voyageur, un grand enseignant et un grand combattant puisqu'il avait même participé aux côtés de Salah Eddine El Ayyoubi.Sid Ahmed Kara confie : «L'utilisation des chœurs féminin, afin de montrer que l'islam est avant tout une religion de tolérance et de respect de l'autre» Le côté esthétique de la pièce s'est distingué par le travail sur le corps du comédien, en fait, c'est une tradition de la troupe praxis avec notamment la maîtrise de la gestuelle mais également du chant, de la danse et même de l'acrobatie. Le metteur en scène ajoute à ce propos : «Le plus important est aussi de travailler sur ce que je considère comme l'espace scénique le plus crucial celui de l'âme. Le travail sur la matière de l'univers intérieur des comédiens afin de faire ressortir toute l'émotion qui fera en sorte qu'ils puissent transmettre les différentes situations scéniques au public. La meilleure manière de captiver le public et de jouer avec sincérité des tréfonds de son âme, ce que j'appelle habiter un personnage, l'incarner, et pas seulement l'interpréter.» S. A.