La Turquie, la France et l'Algérie ont une histoire commune et appartiennent à l'espace méditerranéen. Ce sont des Etats condamnés à travailler ensemble. Pourtant, à chaque déclaration de l'un des dirigeants de ces pays respectifs, on observe de lourdes divergences de vues et des intérêts contradictoires. Les hommes politiques ne sont pas là pour s'émouvoir, mais bel et bien pour défendre les intérêts de leur patrie. Le Premier ministre algérien, en demandant à son homologue turc de ne plus utiliser l'histoire douloureuse de l'Algérie comme argument dans une bataille de mots, en a ému plus d'un.La Turquie et la France partagent bien plus d'intérêts entre elles qu'avec l'Algérie. Elles se solidariseront contre l'Algérie comme durant la guerre de Libération nationale. Que le gouvernement turc soit islamiste ou pas, l'entrée dans l'UE, l'appartenance à l'Otan et la défense des intérêts d'Israël sont plus forts que l'attractivité du marché algérien. Au duo franco-turc, il suffit d'ajouter l'émirat du Qatar pour que les nouveaux acteurs géopolitiques de la zone méditerranéenne soient au complet. Ce que ce trio a fait de la Libye et ce qu'il est en train de faire en Syrie est largement suffisant pour avoir une idée de ce que seront les équilibres politico-diplomatiques futurs. Il ne s'agit pas de défendre des dictatures ni de s'accommoder des autocraties, mais simplement de décrire comment ces gouvernements expriment leur patriotisme lorsque des intérêts importants sont mis en jeu.La petite phrase du patron du RND a fait sursauter bien des Algériens, qui voient en M. Erdogan un nouvel imam qui unifiera la Ouma. Le rêve d'un retour à l'époque des Ottomans ne diffère en rien avec celui des wahhabistes. Pour les uns, la capitale sera Istanbul, et pour les autres, ce sera Ryadh. L'Algérie deviendrait ainsi une wilaya de la Turquie ou de l'Arabie saoudite. Et puisqu'il s'agit de pays musulmans, on ne parlera pas de colonialisme, mais de protectorat ou de régence.La confusion des genres, l'inculture politique et la haine de soi font que l'Algérie est encore faible. Une grande partie des Algériens n'arrive toujours pas à faire la différence entre un gouvernement, un régime et une patrie. A trop vouloir critiquer l'un, on détruit l'autre. A trop vouloir prendre pour tête de Turc Ahmed Ouyahia, nous oublions les intérêts de notre patrie et du peuple cher à tous les «droits de l'hommiste». L'année 2012 est une année critique en matière de devenir. Pour les Algériens, il s'agira de déterminer qui est son ennemi, son adversaire et son ami s'il y en a. Peu d'Algériens se sont offusqués que le chef du MSP, Bouguerra Soltani, soit allé consulter en Turquie et au Qatar. Peu d'Algériens s'émeuvent des massacres commis contre les Kurdes à la frontière turco-irakienne. Mais beaucoup d'Algériens ont été affectés par le fait que le Premier ministre Ouyahia remette à sa place l'homme qui a tenu tête à Shimon Peres. Pour leur part, M. Erdogan et les Turcs ont choisi de continuer de traiter avec leur allié Israël et de partager avec la France un engagement commun au sein de l'Otan. De son côté, la France de Sarkozy, qui a rompu avec la diplomatie arabe, chère au général de Gaulle, veut affirmer son leadership méditerranéen, à défaut de pouvoir jouer les premiers rôles en Europe et dans le monde occidental. Il serait temps que les Algériens pensent à leurs intérêts. «L'Algérie avant tout», disait feu Mohamed Boudiaf. A. E.