Photo S. Zoheir La ville de Médéa s'apprête à célébrer dans une ambiance de grande fête populaire l'avènement du nouvel an amazigh, contrairement aux précédentes années où cette date passait presque inaperçue. La célébration de «Yennayer», «El-Am» pour certains et «Edderraz», pour d'autres, sortira, à cette occasion, du cercle familial dans lequel elle était confinée pour un espace plus large où les citoyens pourront, pour la première fois, partager ce même sentiment d'appartenance à une seule et même culture.Afin de perpétuer cette ancienne tradition populaire, qui a tendance à disparaître des moeurs de la société, et de mieux mettre en valeur la portée et la signification sociale de l'évènement, un programme d'animation spécial a été élaboré, à cet effet, par la Direction de la culture et le Musée régional des arts et des traditions populaires qui espèrent ainsi contribuer à la valorisation de cette tradition, mais aussi faire évoluer «certaines mentalités».Pour ce faire, ces deux organismes ont choisi de mettre en exergue le côté social qui se manifeste à travers les us et les coutumes qui caractérisent cet évènement, notamment sur le plan culinaire et relationnel, et la manière dont ils sont encore pratiqués au sein de nombreux cercles familiaux.Deux grands rendez-vous vont marquer les fêtes de Yennayer. La première coïncidera avec le passage vers le nouvel an amazigh, et aura lieu à la maison de la culture Hassan-el-Hassani. Elle consistera en l'organisation d'une «kaâda» où seront reconstitués le décor et l'ambiance qui marquent l'évènement, ponctuée par des séances de dégustation des meilleurs mets traditionnels préparés à l'occasion de Yennayer, de chants et de contes populaires. Pour replonger dans cette atmosphère de fête qui régnait, dans le temps, les convives se verront offrir des bourses en tissu contenant des fruits secs et friandises comme la tradition l'exige.L'autre rendez-vous est prévu, la veille du 12 janvier, au Musée régional des arts et des traditions populaires de Médéa, qui abritera une grande manifestation culinaire, baptisée «Maïdate Yennayer», où sera présentée une variété de plats et mets confectionnés le jour du nouvel an amazigh.Les visiteurs auront ainsi l'occasion de découvrir la diversité et la richesse de l'art culinaire local et s'informer sur place des origines et des secrets de fabrication des mets préparés. Les étals des marchés d'Oran sont déjà en fête depuis une dizaine de jours. Ils regorgent de tous les ingrédients, fruits secs et friandises, mets nécessaires pour la célébration de la nouvelle année amazigh, Yennayer, prévue pour la soirée d'hier mercredi.Célébrer Yennayer est une tradition bien ancrée chez les familles oranaises, même chez les plus modernes d'entre elles.Plusieurs jours, bien avant l'avènement de cet évènement, l'ambiance de fête s'installe et est perceptible dans les rues commerçantes et autres lieux publics. Rares sont les marchés dépourvus de ces étals, décorés par des guirlandes multicolores, proposant aux visiteurs une grande variété de fruits secs, du chocolat et des friandises de diverses formes et couleurs. Si différentes versions sont données pour expliquer les origines de cette fête et le sens que lui donnent les familles, chez les Oranais, ce jour particulier doit être un signe de richesse, d'opulence, de force et de bonne santé.Les délicieux mets servent pour la tenue d'une tradition consistant à mettre les enfants en bas âge dans un couffin en paille, et de verser sur leurs têtes bonbons, amandes, noix, chocolat, etc. «Il y a toute une symbolique derrière cette tradition», explique Mme Kheira, une septuagénaire oranaise, qui n'a jamais omis de célébrer cette fête. «Perpétuer ce geste, c'est pour que l'enfant soit aussi fort que l'écorce des fruits secs, et ses jours soient aussi doux que le sucre», explique-t-elle.Autre symbolique est la préparation du «charchem», un plat indispensable au dîner de Yennayer, composé de divers légumes secs et féculents, blé, pois chiches et fèves sèches, notamment.«Comme Yennayer est le premier jour de l'an dans le calendrier agraire, utilisé par les Berbères dans l'Antiquité, on prépare le charchem, comme bon augure pour le démarrage de la saison agraire», explique le vieux Daoud. Alors que certaines traditions subsistent et résistent aux courants de la modernité, d'autres tendent à disparaître à Oran, oubliées peu à peu par les nouvelles générations qui ne retiennent que l'aspect «de consommation de cette fête», regrette Meriem, nostalgique aux «belles traditions du passé».Parmi ces traditions, aujourd'hui disparues, «el mezoued», cette petite bourse en tissu, cousue spécialement pour l'occasion et remplie de fruits secs et de sucreries. Elle est offerte aux enfants dans la soirée de Yennayer, avec la recommandation de la garder le plus longtemps possible. Le but étant d'apprendre aux enfants à économiser et à préserver les biens.Meriem regrette également «Leilat laâdjouz», un conte que racontaient les grands-mères lors du dîner. Le conte relate l'histoire de Laâdjouz, la vieille dame de Yennayer, qui viendra le soir, faire le tour des maisons pour récupérer sa part du dîner, qu'on lui laisse au seuil de la porte. Elle vérifie, par la même occasion, les ventres des petits pour s'assurer qu'ils ont bien mangé.Yennayer, tout comme les autres fêtes traditionnelles et religieuses, est une autre occasion pour se retrouver en famille, autour d'une table bien garnie, de friandises et d'un succulent dîner.Cette année, le Haut Commissariat à l'amazighité (HCA) célébrera, cette année à Oran, cette fête, en proposant une palette d'activités culturelles et artistiques, aussi variée que les mets de Yennayer.