Pendant que les regards du monde restent braqués sur la crise syrienne, le nucléaire iranien, les violences nigérianes ou, accessoirement, les élections américaines ou françaises, l'Arabie saoudite continue de réprimer, à huis clos, toute forme de contestation de la population chiite demandeuse de changements et de réformes. Ainsi, en fin de semaine dernière encore, la police religieuse n'a pas hésité à user de balles réelles pour réprimer une manifestation - au départ pacifique avant de vite se muer en violents affrontements - qui a eu lieu dans la région pétrolière de Qatif, à l'est de l'Arabie saoudite, faisant un mort et trois blessés. Le pouvoir se défend, évidemment, de réprimer et parle d'actes de légitime défense face à des individus dangereux cherchant, sous une impulsion extérieure, à déstabiliser le Royaume. Ce que d'autres régimes avaient tenté de faire accroire, il n'y a pas si longtemps, pour justifier les tueries qui ont eu lieu en Tunisie, en Egypte ou en Libye. Depuis janvier 2011, le pouvoir saoudien fait face à une contestation continue des partisans de réformes politiques réclamant la fin de la discrimination confessionnelle et exigeant désormais la libération des détenus politiques. Manifestations auxquelles le pouvoir répond de la seule manière qu'il connaisse : la répression et la violence. En presque une année, des dizaines de Saoudiens (pourra-t-on connaître leur nombre réel ?) ont été emprisonnés ou bastonnés pour avoir osé exprimer une opinion différente dans un pays allergique au changement. Le doyen de la faculté de droit et des sciences religieuses à l'Université Imam Mohamed Ibn Saoud à Riyad, le Dr Yusuf al-Ahmad, croupit dans les geôles depuis juillet dernier pour avoir apporté son soutien aux familles de prisonniers. Et face à cette répression à huis clos, l'opinion internationale et les grandes puissances si promptes à ruer dans les brancards quand il s'agit de l'ennemi iranien ou de l'ami israélien, font mine de ne pas voir les agissements de leur allié qu'est l'Arabie saoudite si riche en pétrole. En plein mois de décembre, et alors même que la police du Royaume réprimait dans le sang une énième manifestation pacifique, les Etats-Unis signaient avec l'Arabie saoudite un contrat de vente de 84 chasseurs-bombardiers F-15 et de modernisation de 70 autres appareils, pour 29,4 milliards de dollars. Préférant détourner les yeux devant les violations dont ils avaient forcément connaissance, les Etats-Unis avaient fièrement estimé que les relations bilatérales étaient ainsi renforcées et qu'elles allaient aider leur allié à améliorer ses moyens de dissuasion et de défense contre les menaces extérieures, notamment contre l'ennemi commun, l'Iran. En matière de realpolitik et de cynisme, l'Occident ne cesse d'étonner son monde… S. O. A.