De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad C'est admis par tout le monde. l'Etat ne se manifeste que périodiquement pour prélever les impôts des commerçants déclarés (de moins en moins nombreux) dont la situation difficile ne suscite que de rares médiatiques décrets qui naissent en Conseil de ministres et gouvernement et meurent jaunis dans les pages du Journal officiel, et les commerçants florissants qui ignorent la loi ou bénéficient de complicités ne songent qu'à ramasser plus de gains au vu et au su des autorités, donc à l'abri de toute inquiétude. Le commerce informel n'est en fait que l'une des parties apparentes de tout un système de gestion national basé sur l'autoritarisme, l'incompétence, la gabegie, la dilapidation des deniers publics et la corruption. Activer au noir correspond mieux à l'environnement socio-économique du pays et est synonyme de voie «régulière» communément acceptée de gagner «comme tout le monde» sa vie. Les systèmes anti-fraude mis en service n'y peuvent presque rien devant la déferlante des vendeurs et revendeurs au noir, dont les rangs grossissent à vue d'œil, qui ne cachent plus leurs signes extérieurs de richesse, n'hésitant même plus à les exhiber pour mieux aguicher leurs collègues légaux. L'absence de statistiques reflète aussi du côté officiel le désintérêt caractérisant la nécessité et le devoir de lutte contre ce phénomène qui gangrène l'économie du pays et lorsque des mécanismes sont mis en place, il faudra toujours compter avec les multiples dysfonctionnements qui les font grincer avant de les voir s'écrouler dans l'indifférence des concernés. Par exemple, les moyens mis à la disposition des directions de wilaya de la concurrence et des prix sont très loin des objectifs minimums tracés dans le cadre de la lutte contre toute sorte de fraude. «Nous n'avons pas assez de moyens humains et matériels pour mener à bien et dans les délais nos missions sur le terrain», affirme un cadre de la direction des prix et de la concurrence (DCP) de la wilaya de Tizi Ouzou, qui souffre beaucoup du commerce informel. La volonté des fonctionnaires de la DCP bute toujours sur une charge de travail qui dépasse ses moyens. «Nous essayons de compenser ce manque de personnel par des campagnes d'information et de sensibilisation moins coûteuses à l'endroit des commerçants pour les amener à respecter la législation, la loi», ajoute notre source qui souligne toutes les difficultés à convaincre un commerçant de se rapprocher des services de l'Etat et déclarer son activité en raison de la persistance massive des actes frauduleux dans le secteur du commerce. Surtout dans une wilaya où les rares rues encore dignes de ce nom à Tizi Ouzou sont carrément promises au commerce informel sous le regard approbateur des services de sécurité et de toutes les autorités en charge de ce grave problème. La rue Lamali, en plein cœur de la ville des Genêts, qui longe le CHU Nedir- Mohamed, celle de M'douha où l'on dénombre une polyclinique, deux organismes publics d'assurances, une usine et plusieurs commerces, sans compter la rue Abane Ramdane, jadis la plus importante artère de la ville, transformée en bourbier pour les piétons et les automobilistes, qui est cédée de temps à autre aux revendeurs à la sauvette. La responsabilité des autorités est d'autant plus mise en cause que le phénomène du commerce informel est lié à d'autres fléaux dangereux qui sont la violence et l'incivisme. La rue Lamali, passage obligé pour des centaines de personnes dans la journée, a été, ces derniers mois, le théâtre de deux crimes à l'arme blanche qui ont coûté la vie à un quinquagénaire et à un mineur, une rue où nombre d'altercations et de bagarres éclatent sporadiquement entre des groupes de délinquants. Où est l'Etat ? s'interroge-t-on après chaque constat de drame. «La construction de marchés de proximité, de marchés couverts et de parkings réglementés au chef-lieu de wilaya est une solution urgente pour le bien-être de tout le monde, sinon attendons-nous au pire», suggère un cadre de la DCP.