L'impasse syrienne se prolonge et le pays est toujours déchiré entre une opposition tenace mais divisée et un régime qui résiste toujours à la pression occidentale et arabe. C'est que le cas de la Syrie est géopolitiquement distinct d'autre pays arabes ayant vécu la chute de leurs régimes politiques. Un postulat semble faire l'unanimité : les conséquences d'un conflit ouvert en Syrie seraient absolument désastreuses pour toute la région. Damas reste sous la pression permanente des capitales occidentale et certains pays arabes. Le déferlement, avec usage permanent de l'émotion, de la part de certains médias donne une image de quasi guerre civile en Syrie alors que la réalité reste plus nuancée. Pour tenir, le régime joue habilement sur les divisions confessionnelles en créant autour de lui un certain soutien populaire. C'est moins un soutien au régime qu'une peur de l'avenir. La communauté alaouite, au cœur du pouvoir et des services de sécurité syriens, semble également ne pas imaginer d'alternative. Il y a des manifestations de soutien au régime de la part de beaucoup de Chrétiens. Un soutien à Bachar al-Assad plus qu'au système autoritaire lui même. Ce dernier (le système) à la tête du pays depuis quarante ans a su utiliser la particularité sociétale de la Syrie pour se maintenir. Le risque d'affrontements ethnico-confessionnels reste néanmoins réel en Syrie. Ce qui inquiète la population. Les chrétiens syriens, 10% de la population, divisés en plusieurs églises, ont vu arriver après 2003 un million de réfugiés d'Irak, dont des centaines de milliers de chrétiens. Il y a également les Kurdes. C'était la première fraction à descendre dans la rue et réclamer des réformes dans le sillage du Printemps arabe. Aujourd'hui la communauté kurde semble avoir rompu avec l'opposition sans toutefois soutenir le régime. Et le Conseil national syrien (CNS) ne semble pas offrir une alternative à cette communauté. En plus du traitement très sécuritaire de la crise, le pouvoir joue sur les clivages de l'opposition qui parait très désunie. Le mouvement populaire syrien, qui se voulait pacifique au départ, a vite glissé, sous l'effet des armes qui arrivaient du Liban et d'Irak, vers un début de militarisation. Et au fur et à mesure que la répression du régime devenait plus forte l'option militaire se faisait inéluctable. Depuis, la Syrie peine à se défaire de la périlleuse impasse. Le 10 mars dernier, les ministres des Affaires étrangères de Russie et des pays membres de la Ligue arabe ont publié une déclaration commune stipulant cinq principes de règlement de la crise, adressés à toutes les parties au conflit. Il s'agit de mettre fin à la violence, de surveiller de manière impartiale la situation dans ce pays, d'assurer une aide humanitaire à l'ensemble de la population, d'appuyer la mission de l'émissaire de l'Onu Kofi Annan et d'exclure toute ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie. L'option de l'intervention militaire a du mal à faire l'unanimité. Ainsi donc les pressions de certains Etats du Golfe et des occidentaux semblent inefficientes. Les Russes et les Chinois, visiblement échaudés par le précédent libyen avec le vote d'une résolution qui ne prévoyait pas une intervention, semblent décidés à ne pas se faire embarquer dans une aventure qui ne sert point leurs intérêts propres. La réalité en Syrie reste également extrêmement compliquée. En Libye il a fallut six mois pour faire chuter complètement le régime en place alors que ce dernier ne représentait pas une force militaire très importante. En Syrie le régime s'appuie sur des forces intérieures autrement plus sérieuses et la population est plus nombreuse et complexe. Pour la majorité des analystes une intervention militaire, notamment occidentale, aurait des effets catastrophiques et soulèverait une opposition très forte, pas seulement dans le monde arabe. Les dimensions géopolitiques de la crise syrienne plaident pour l'heure en faveur du régime en place. Indéniablement, dans le monde arabe il y a une volonté des peuples d'en finir avec des régimes autoritaires et dictatoriaux. Dans le cas de la Syrie, le régime est tellement imbriqué dans la société que sa chute violente ouvrirait la voie à des scenarios incontrôlables. En face il y a aussi les velléités américaine, israélienne et saoudienne d'affaiblir l'Iran, le plus sûr allié de Damas. De quoi faire perpétuer l'impasse syrienne. M. B.