Photo : M. Hacène De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar
Le secteur public de la santé traverse une crise profonde. Pour des considérations salariales et matérielles, les praticiens, toutes catégories confondues, recourent régulièrement à la grève. Faute d'un dialogue serein et responsable avec les protestataires, la tutelle tarde encore à juguler ces conflits répétitifs. Spécialistes, généralistes, dentistes, infirmiers et techniciens, exerçant dans les établissements étatiques, montent régulièrement au créneau en paralysant ce service public vital. Les statuts particuliers, les régimes indemnitaires et les rivalités corporatistes attisent cette course indécente aux privilèges sociaux. L'anarchie, qui caractérise toujours le marché du médicament et du consommable médical, rajoute une bonne couche au marasme ambiant. Les importateurs de produits pharmaceutiques constituent ouvertement un puissant lobby qui tend à dicter ses propres règles du jeu au ministère de tutelle. Fortement concurrencée par les relais de l'import-import, l'industrie nationale peine à suivre les progrès technologiques et scientifiques pour répondre à une demande qui se diversifie chaque jour. En gros, la qualité de la prise en charge sanitaire en Algérie est bien en deçà des espérances légitimes des populations. Eu égard aux gros budgets déboursés, chaque année, par le Trésor public, on est incontestablement en droit d'exiger une bien meilleure couverture. A Béjaïa, comme beaucoup d'autres régions du pays, les patients rencontrent de nombreuses difficultés à se faire soigner correctement. Sur papier, la wilaya dispose pourtant d'un CHU (Béjaïa), de 4 hôpitaux (les EPH de Kherrata, Amizour, Sidi Aïch, Akbou) et d'une trentaine de polycliniques (sous-secteurs sanitaires). Un patrimoine appréciable qui, faute d'entretien et de rigueur dans la gestion, est loin de satisfaire les besoins vitaux des patients. Le malade est presque obligé d'avoir un coup de pousse pour accéder aux soins dans des délais raisonnables. Pour une intervention chirurgicale ou une chimiothérapie, sans «appui» de ce genre, le malade se verra délivrer des rendez-vous très éloignés avec le risque que cela suppose dans la complication de son cas. Conséquemment, les citoyens recourent de plus en plus au secteur privé qui a aussi ses travers (tarifs prohibitifs pour une qualité de soins moyenne, évacuation des cas désespérés vers les structures publiques afin de réduire leur comptabilité macabre pour d'évidentes raisons de publicité…). Devant cet état de fait, les citoyens de la wilaya de Béjaïa plaident, depuis longtemps déjà, pour la réalisation d'un CHU digne de ce nom. Le projet a été finalement inscrit dans le plan quinquennal 2009-2014, mais concrètement les choses évoluent très lentement. «A quand le lancement des travaux du nouveau CHU ? Inscrit au plan quinquennal, son budget et l'assiette qui l'accueillera sont prêts, alors pourquoi ce retard ?», s'interroge le docteur Mokhtar Bouchefa, président de l'association des amis de la faculté de médecine de Béjaïa. Une association qui organise périodiquement des caravanes médicales dans les régions rurales et éloignées de la wilaya (Boukhelifa, Beni Ksila, Djebla, Tifra …). Cela consiste à déplacer des médecins généralistes et spécialistes volontaires dans des contrées lointaines où la couverture médicale est modeste afin d'assurer des consultations gracieuses, de traiter, de sensibiliser, de dépister certaines maladies et d'orienter le patient pour une prise en charge appropriée. On doit, par ailleurs, souligner que la wilaya de Béjaïa manque terriblement de médecins spécialistes. D'interminables queues se constituent chaque jour devant les cabinets des praticiens privés. Sur l'ensemble du territoire de la wilaya, on dénombre, à titre d'exemple, 5 ou 6 cardiologues pour une population qui frôle le million. On pourrait en dire autant pour d'autres spécialités comme la neurologie, la rhumatologie, l'oncologie ou la gastro-entérologie. Cette offre, à l'évidence, est loin de la norme requise en la matière. De nombreux malades sont constamment évacués vers les CHU de Tizi Ouzou, Sétif ou Alger en attendant la réception et la mise en service de cet équipement tant attendu.