Ils sont venus, ils étaient tous là, ou presque, vendredi à l'hôtel Hilton. Ils sont venus rendre hommage au père de la cardiologie en Algérie, le professeur Omar Boudjellab, décédé il y a de cela six ans. Sa famille, ses amis et ses élèves ont apporté des témoignages émouvants. Un hommage qui intervient à l'occasion de la commémoration du cinquantenaire de la création de la clinique de cardiologie du CHU Mustapha Bacha. Le Pr Merad, actuel responsable de ce service, égrène le chapelet des souvenirs, s'arrêtant sur des dates clés d'un parcours hors du commun… «Né en 1930 à Tablat, Omar Boudjellab est considéré comme le pionnier de la cardiologie en Algérie. Décédé le 25 juin 2006 à l'âge de 76 ans, il était une grande personnalité, à la carrière exemplaire, empreinte de probité, de responsabilité et de générosité», a-t-il dit. «Il fut l'un des pères les plus prestigieux de la médecine en général et de la cardiologie en particulier. Après des études de médecine à Paris, il sera connu comme le médecin du maquis. Brillant et consciencieux, avec un sens du devoir pointu, il s'est mis au service des malades et des blessés du FLN avant de rejoindre les rangs de l'ALN. Au lendemain de l'indépendance, il se voit confier le service de cardiologie du CHU Mustapha, une belle bâtisse certes mais une coquille vide qui ne disposait pas de médecins. Il n'y avait que les murs mais grâce au travail du Pr Boudjellab et de son équipe, le défi a été relevé et le service jouit aujourd'hui d'une grande réputation», explique en substance le conférencier. «En tant que chef de service et, plus tard, en tant que ministre de la Santé de 1970 à 1977, le Pr Boudjellab a été d'un apport considérable pour booster la formation continue, les congrès régionaux ou internationaux», poursuit l'orateur, avant de préciser : «Nous lui devons les meilleures décisions pour une médecine à la portée de tout le monde et la plus performante possible. Il a ouvert l'ère de la médecine gratuite à laquelle il croyait sincèrement. Il aurait voulu toutefois qu'elle soit contrôlée et appliquée par des responsables qui auraient pu lui éviter les revers.» «C'est à lui, également que nous devons les mesures qui ont rendu une démographie acceptable et moins contraignante pour le pays. C'est aussi grâce à lui que l'Institut national de la santé publique (Insp) a vu le jour. Il fût un exemple de générosité, d'humanisme, d'honnêteté, de dynamisme, qui disait que la médecine doit être exercée comme une vocation.» Des principes transmis à ses trois filles, Naïma, Sabiha et Farida. Toutes les trois ont hérité l'amour de la médecine. Naïma Boudjellab, chirurgien-dentiste évoque un père affectueux et chaleureux qui se donnait à fond pour ses patients. Sa veuve, Souhila Boudjellab et ses filles se disent profondément touchées de cet hommage, le premier du genre. «Mais de par son caractère, mon père n'avait pas besoin de reconnaissance officielle», nous confie-t-elle. De son côté, Aït-Ali Oudia A., administrateur du cimetière des soldats allemands, de Dely Ibrahim, à Alger, a connu Omar Boudjellab au maquis. «Je l'ai connu durant la guerre de Libération. C'était un médecin et un moudjahid au grand cœur. J'étais blessé et il est resté à mon chevet quatre jours et autant de nuits», témoigne celui qu'on appelle «l'allemani» (l'allemand), qui porte l'Algérie dans son coeur. Il s'est rangé du côté de la cause algérienne. Parmi les élèves du pionnier de la cardiologie, le Pr Mohamed Salah Bouraoui, ancien DG de l'hôpital central de l'Armée d'Alger, se souvient de son maître à qui il doit énormément. «Je l'ai toujours considéré comme un père, il m'a appris l'amour du pays, de la cardiologie, à être téméraire. Pour lui médecine et humanisme allaient de pair. Il disait que l'humanisme protégeait la médecine de l'invasion scientifique. Grâce à lui, nous avons pu promouvoir toutes les explorations modernes de la cardiologie», atteste t-il. Le DG du CHU Mustapha, M. Chaouche a tenu lui aussi à assister à cet événement. «Considéré comme le père de la cardiologie en Algérie, le Pr Boudjellab a marqué la médecine dans notre pays. L'Algérie a enregistré les meilleurs résultats dans tous les domaines de la santé durant son exercice», estime-t-il. Kamel Bouchama, écrivain et ancien ministre a lui aussi connu l'illustre professeur, qui, dira-t-il, «est un pan de l'histoire de l'Algérie». «C'était quelqu'un de sensationnel avec un sens de l'humour inégalable.» A cette occasion, il présentera une conférence qui nous plonge dans l'histoire de ces Algériens de Bilad Eccham. Organisée par le service de cardiologie de l'hôpital Mustapha, en collaboration avec Life health industry, cet événement s'est tenu vendredi et samedi, au Hilton. Certains ont déploré le fait qu'aucun officiel, aucun représentant du ministère de la Santé n'ait daigné assisté à cette manifestation. Des thèmes d'actualité liés à la cardiologie ont été abordés hier. A. B.