Photo : Riad Par Abdelkrim Ghezali L'Etat a décidé d'entamer la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance le 5 juillet prochain jusqu'au 5 juillet 2013. A quatre mois de ce rendez-vous, rien n'est visible quant à la célébration de cet événement majeur, d'autant plus que la France et ses médias ont mis le paquet à travers des activités presque quotidiennes depuis le début du mois de mars, présentant l'histoire de l'occupation et de la guerre de Libération selon un prisme propre à la logique d'un Etat qui ne reconnaît pas ses crimes coloniaux mais accuse l'ALN et le FLN d'avoir commis des exactions et des dépassements. Au-delà de cette guerre médiatique inégale, où la partie algérienne est presque désarmée face à une armada communicationnelle française très offensive, les Algériens, notamment la jeunesse, ne perçoivent aucun signe ostentatoire de la future célébration de cinquante ans d'un acquis chèrement payé. Aucun monument de la dimension de cet événement n'est érigé quelque part, dans ce vaste pays où le sang des martyrs n'a cessé de couler depuis 1830 jusqu'au jour de la délivrance. La mémoire des peuples s'écrit aussi à travers des édifices qui résistent au temps. Un musée national de l'Histoire contemporaine, où les Algériens trouveraient leurs repères, leurs symboles, leurs référents communs, aurait pu être inauguré cette année en réponse aux mensonges des néocolonialistes, des révisionnistes et des nostalgiques. Un musée qui traduirait, par ses dimensions, la grandeur de la résistance populaire à travers les âges, à toutes les invasions. Un musée où l'algérianité prendrait tout son sens face à toutes les velléités d'acculturation et d'amnésie qui tentent d'effacer des pans entiers de l'Histoire de l'Algérie depuis la nuit des temps, afin de satisfaire des fantasmes idéologiques et des mythes faits sur mesure. Aucune encyclopédie algérienne n'a été programmée pour raconter l'Algérie dans un document exhaustif de référence pour tous les Algériens, tous les chercheurs et pour couper l'herbe sous les pieds de ceux qui font et défont l'Histoire à leur convenance. Au lieu d'une dynamique propre, d'un projet de célébration qui transcende les festivités qui s'oublient une fois consommées, on réagit comme on peut aux attaques d'outre- mer juste pour défendre la mémoire des sacrifiés. Ces attaques venant d'ailleurs, véhiculées par des médias lourds, et formulées par des politiques et des acteurs de l'occupation ou leurs héritiers, confirment que le colonialisme et le néocolonialisme sont une philosophie théorisée et un projet pérenne et qui prend de nouvelles formes. Les réactions à ces attaques prouvent que l'anticolonialisme n'a pas dépassé l'acte de résistance pour se transformer aussi en une philosophie et en un mode de pensée qui se donne les moyens d'occuper tous les espaces médiatiques, sociaux et culturels. Le cinquantenaire de l'indépendance n'est pas seulement la célébration d'une victoire, c'est surtout une affirmation de soi en assumant son Histoire, toute son Histoire. A la veille de ce rendez-vous historique, les rues des villes et des villages du pays sont nues. Elles grelottent de ce vide et de cette nudité que l'ambiance de fête aurait pu emplir et que l'emblème national aurait pu parer. Hélas, la célébration du cinquantenaire est otage d'une vision stéréotypée et de lenteurs bureaucratiques frustrantes.