De plus en plus de parents de lycéens, de collégiens et même d'écoliers, à Constantine, sont aujourd'hui persuadés du caractère indispensable des cours particuliers dits «cours de soutien», surtout à l'approche des examens de fin d'année scolaire. Même s'il serait ardu d'établir un pourcentage des adeptes de ces «extras» pédagogiques, il est loisible, au vu du nombre impressionnant de jeunes gens rentrant chez eux, le cartable sur le dos, tous les samedis (jour de repos) ou même en début de soirée, de constater qu'il s'agit d'un taux important. Cet engouement pour les cours de soutien, jadis réservés à des élèves (généralement de condition aisée) présentant quelques difficultés à obtenir les résultats espérés au lycée, au collège ou à l'école, est devenu au fil du temps un vrai phénomène, prenant de l'ampleur et touchant l'ensemble des classes sociales. Extirper les enfants de la rue «Pour certains autres parents, l'inscription de leur progéniture à des cours particuliers obéit à d'autres considérations», soutient le gérant d'une école privée située à Ain El Bey, dans la proche banlieue constantinoise. Pour lui, en effet, «il est beaucoup de parents qui veulent tout simplement soustraire leurs enfants à la rue en s'arrangeant pour qu'ils y passent le moins de temps possible, et d'autres, nombreux aussi, qui ne font pas confiance au système éducatif, notamment à cause des grèves à répétition».Il se trouve souvent aussi que des enseignants, submergés dans certains cas par la surcharge des classes, «ne parviennent pas à faire assimiler les cours à leurs élèves, ce qui oblige beaucoup d'entre eux, notamment ceux du cycle secondaire, à recourir aux cours payants», soutiennent certains parents, approchés par l'APS.«Tous mes camarades, sauf moi, ont suivi des cours de soutien l'année dernière et ont obtenu leur baccalauréat», confie Akram, un lycéen de 19 ans qui se prépare à repasser son Bac et qui affirme «ne pas vouloir refaire la même erreur, malgré l'augmentation des tarifs qui varient actuellement entre 3 000 et 5 000 dinars pour une seule matière».
Libérés de leur timidité lors des cours de soutien Pour Leïla S, psychologue clinicienne, chargée de l'orientation dans un lycée de Constantine, «dans les établissements scolaires, quel que soit le palier, la majorité des élèves n'aiment pas poser de questions à leur professeur, même s'ils n'ont pas compris le cours, soit parce qu'ils sont timides, soit par peur d'être humiliés par leurs camarades». Une «tare» qui disparaît comme par enchantement lors des cours de soutien ou des cours particuliers, assure cette psychologue. Pour une de ses consœurs, Nedjoua A, enseignante à l'université Mentouri, «les cours de soutien ne sont pas toujours bénéfiques pour un élève de 6 ou sept ans». Selon elle, «cela pourrait même le conduire tout droit vers l'échec scolaire, car il ne faut pas oublier que l'enfant passe suffisamment de temps à l'école en dépensant de l'énergie, en se concentrant et en apprenant, même avec difficulté, auquel cas c'est à l'enseignant de s'adapter et de donner le plus qui est attendu de lui». «L'enfant a aussi besoin, après une journée d'école, de s'amuser avec ses camarades, de regarder son dessin animé préféré, de tripoter sa console de jeux, et c'est une question d'équilibre», considère cette universitaire, soulignant que dans le cas où personne dans l'entourage de l'élève ne peut l'aider à la maison pour mieux comprendre et assimiler ses leçons, des cours de rattrapage sont utiles mais ne doivent pas dépasser une journée du week-end et se limiter à deux matières au maximum.
«Je commence à mieux comprendre les maths grâce aux cours particuliers» Pour de nombreux collégiens et lycéens interrogés par l'APS, les cours de soutien permettent de «mieux assimiler les leçons et l'enseignant suit mieux chaque élève». Chakib, un élève de 3ème année secondaire, en délicatesse avec les mathématiques, affirme «éprouver des difficultés à suivre les cours au lycée en raison de la surcharge des classes et de l'indiscipline qui y règne». Pour lui, «les professeurs n'assurent pas souvent une bonne explication des cours». «Avant, ajoute Chakib, j'avais du mal à assimiler correctement les cours de mathématiques en classe, mais grâce aux cours supplémentaires, je commence à mieux comprendre».Il reste que les avis restent très partagés quant à cette question de cours de soutien. Pour Doria B, étudiante en première année universitaire, titulaire d'un Bac obtenu avec mention «très bien» sans suivre des cours de soutien, «c'est l'arnaque du siècle. En terminale, mes camarades qui suivaient des cours de soutien ne faisaient, en fait, que réétudier la leçon qu'ils auraient dû mieux suivre en classe. Durant les cours de soutien, ils ne font que quelques exercices qu'ils pourraient très bien faire à la maison, tandis que ceux qui ont de réelles lacunes ne peuvent pas les réparer car les cours de soutien se font en groupe», soutient-elle mordicus.
Un marché lucratif Les cours de soutien sont également une question de «sous», affirme de son côté Manar, étudiante. « Beaucoup d'universitaires ont trouvé dans les cours de soutien, dit-elle, une opportunité pour gagner un peu d'argent, mais que dire alors de ces gérants d'écoles privées qui en font un business lucratif sans qu'il ne soit scientifiquement établi que leurs prestations sont réellement utiles aux élèves ?»Malgré tout cela, le «marché» du soutien scolaire connaît un grand essor à Constantine où de nombreux parents continuent de se faire «saigner à blanc» pour que leurs enfants réussissent leurs examens et assurent leur avenir. C'est le cas de Ali B, (25 ans), employé de banque, qui affirme «multiplier les demandes d'avance sur salaire, rien que pour mettre (ses) filles jumelles de 14 ans dans les meilleures conditions possibles et leur permettre de ne pas se planter le jour du brevet d'enseignement moyen (BEM), même en déboursant 8 000 dinars par mois». Assurément, les cours de soutien ont encore de beaux jours devant eux. APS