A l'école primaire comme au collège, les parents louent les services d'un enseignant pour assurer une bonne formation à leur progéniture. C'est les vacances scolaires. Mais pas pour tous. Beaucoup d'élèves n'auront pas droit à l'école buissonnière. Ils sont dans l'obligation de suivre des cours supplémentaires, sur instruction du ministère de l'Education nationale. Et depuis, les cours de soutien sont devenus un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur. Il l'est au point de croire que ce qu'offre l'école publique est loin d'assurer un quelconque succès aux élèves. L'angoisse est telle qu'il est désormais de notoriété publique que sans les cours de soutien, aucune chance de succès n'est possible. Ce phénomène, qui ne touchait jusque-là que les élèves de terminale à la recherche du renforcement notamment, de leurs acquis en mathématiques et physique, concerne présentement tous les cycles. Aussi bien au primaire qu'au moyen, les parents n'hésitent pas à louer les services d'un enseignant pour assurer une bonne formation à leur progéniture. Les cours supplémentaires sont devenus un passage obligé. Les cours particuliers sont à l'origine de la réussite scolaire des enfants. C'est du moins ce qui est colporté ici et là. L'intox est telle que de nombreuses familles s'endettent pour que leurs enfants aient droit à ce privilège réservé jusque-là aux plus nantis. Aujourd'hui, il serait intéressant que les pouvoirs publics se penchent sur ce phénomène d'autant plus que les élèves et leurs parents le voient d'un bon oeil. Bien que l'école algérienne offre cette possibilité au sein même des établissements scolaires moyennant des indemnités aux professeurs qui en ont la charge, force est de constater qu'il y a peu d'engouement. Un constat qui laisse perplexe sachant que les cours de soutien privés sont donnés par les mêmes enseignants qui officient dans les établissements publics. Pourquoi? S'agit-il d'une affaire d'argent? Auquel cas, les parents préfèreraient les cours de soutien de l'école publique. S'agit-il d'une question de confiance? Ce serait dans ce cas-là contradictoire. Un même enseignant est vu différemment selon qu'il officie comme privé ou comme fonctionnaire. C'est donc la problématique du phénomène que nous avons tenté de comprendre à travers cette petite enquête auprès des parents, des élèves et des enseignants. La clé de la réussite Pour beaucoup d'élèves, les cours de soutien permettent de mieux assimiler les cours de l'école publique où chaque jour l'indiscipline règne en maître. «Je ne peux pas suivre correctement les cours au lycée compte tenu du désordre de la classe», avoue Ghilès, un élève de terminale. Ses parents ont été contraints de débourser pour pallier cette insuffisance. La qualité de l'enseignement dispensé dans les établissements publics laisse à désirer pour diverses raisons liées notamment, à la surcharge des classes et au manque de discipline qui empêchent toute concentration nécessaire à une assimilation correcte. C'est pourquoi, d'autres ont recours aux cours particuliers pour remédier à la non-disponibilité des professeurs. «Je prépare mon Bac dans un lycée reculé et nous n'avons pas tous les profs et lorsqu'ils y sont, ils sont tous nouveaux, donc sans expérience à même d'assurer une compréhension adéquate des cours», estime cet autre lycéen pour qui «les cours supplémentaires sont la voie du salut pour éviter un échec». Pour certains parents, «un enseignant mieux payé et devant un classe réduite, exerce mieux sa mission». «Il est prouvé que tous les élèves qui suivent des cours de soutien réussissent mieux dans leurs examens», assure Rachid, un père aisé, dont tous les enfants, universitaires, ont eu un soutien privé. Mais tout le monde peut-il faire comme Rachid? Au regard du pouvoir d'achat dans notre pays, cela reste difficile, voire impossible. Nombreux sont, en effet, les parents qui n'ont pas les moyens d'offrir à leur progéniture ce «luxe». Et lorsque les enfants sont nombreux, la tâche se complique. Un fardeau financier lourd à supporter. Aussi, certains se concentrent uniquement sur les enfants qui préparent le baccalauréat. Là encore, certains ménages n'y arrivent pas. Ce phénomène qui, d'un côté, saigne des familles, enrichit de l'autre des enseignants. Ces derniers, en parfaits connaisseurs des faiblesses de l'école publique, poussent le bouchon plus loin en sous-entendant à leurs élèves l'idée selon laquelle sans les cours supplémentaires, le risque de mauvaises notes aux examens n'est pas à écarter. C'est un peu comme ce qui se passe dans le secteur sanitaire. S'appuyant sur la fragilité des patients, les médecins les orientent vers les cliniques privées pour des interventions chirurgicales. Ce phénomène réserve des secrets que seuls le bourreau et sa victime connaissent. Les parents se plaignent. Les langues se délient pour faire part des pressions exercées sur les enfants et leurs parents. Aussi raconte-t-on que les élèves qui suivent les cours supplémentaires obtiennent de bonnes notes même s'ils ne les méritent pas. Une façon de montrer la voie aux autres camarades de classe. Montrer le bon exemple, ajouter un peu de pression et le tour est joué pour constituer son groupe pour le restant de l'année et garantir un revenu net d'impôt et sans aucune obligation en contrepartie. Ce ne sont pas tous les enseignants qui assurent les cours de soutien. Pour le faire il faut des moyens qui nécessitent des dépenses. D'où cette contrepartie financière exigée qui garantit aussi un revenu supplémentaire. Sous-payés, surcharge des classes, perpétuels changements des programmes scolaires et un statut lamentable, autant d'arguments que les enseignants avancent pour expliquer le recours aux cours supplémentaires. Le système «D». Un business exonéré d'impôts Entre la vie des uns et des autres, il y a lieu de relever le vide juridique qui entoure cette pratique. L'interdiction formulée par les responsables du secteur n'est pas porteuse. Il en est de même pour les cours de soutien institués dans les établissements publics. A l'heure de l'ouverture économique, il est recommandé d'autoriser ces cours qui, de toutes les façons, se font en toute impunité et ce, pour garantir une sécurité aux enseignants, aux enfants et leurs parents. Une pratique régie par la loi comporte des droits et des devoirs que tout un chacun doit respecter. Cependant, le «trabendo» doit être banni dans nos écoles, devrions-nous conclure.