Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Les praticiens spécialistes de la santé publique sursoient à leur mouvement de grève illimitée, annoncé pour la journée d'hier. Ils le reportent au 15 avril prochain, contraints par une nouvelle décision de justice qui déclare l'action protestataire illégale. Cela arrive pour la deuxième fois en moins d'un mois. Du jamais vu dans l'histoire du pluralisme syndical, selon les dires du président du syndicat (Snpssp), Dr Mohamed Yousfi, lors d'une conférence de presse tenue hier au siège national à Alger. Le représentant des praticiens spécialistes dénonce «ce recours abusif à la justice pour casser notre mouvement», et interpelle les pouvoirs publics et les partis politiques pour prendre une position claire devant cette situation qu'il qualifie de dramatique.Dr Yousfi assure que le syndicat n'a été notifié d'aucune décision de justice mais qu'il en prend acte pour prouver son respect de la loi et aussi «enlever au ministre de la Santé ce moyen utilisé comme carte de répression contre les médecins qui ne font rien d'autre que défendre leur dignité et le système de santé publique». Ils décident donc d'appliquer la décision de justice, de ne pas faire grève hier, mais déposent un nouveau préavis de grève pour le 15 avril : «Eux, ils utilisent la justice. Nous aussi, nous utilisons la réglementation.» C'est ce qui a été décidé par le Conseil national du syndicat, réuni samedi dernier pour évaluer le mouvement et prendre les décisions qui s'imposent. Lors de cette réunion, le Conseil national du Snpssp a salué la «forte mobilisation des praticiens malgré les mesures répressives entreprises par le ministère de tutelle». Il a dénoncé ces mesures et aussi le fait de «stigmatiser» le bureau national du syndicat, rappelant que toutes les décisions prises jusque-là émanent de la base. Autre fait contesté fortement par l'organisation de Mohamed Yousfi (et ce n'est pas la première fois), l'indifférence affichée par les deux médias publics (Télévision et Radio) au mouvement de grève : «Nous dénonçons ce black-out qui va à l'encontre du devoir d'information de tout service public vis-à-vis du citoyen algérien… Nous savons que cela fait partie des tentatives de casser le mouvement et déstabiliser le syndicat. Nous dénonçons fermement cette manière de transgresser les lois algériennes et les conventions internationales pour nous faire taire.» Le syndicat compte saisir par écrit le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et, si c'est nécessaire, aller aux institutions internationales : «C'est notre droit de saisir aussi bien le président de la République que les instances chargées de faire respecter ces droits.» Dr Mohamed Yousfi soutient que «notre combat sera maintenu quelles que soient les menaces et les sanctions. Ce n'est pas cela qui va nous faire reculer. Nos revendications sont justes et légitimes». Ainsi, la grève reprendra le 15 avril prochain, ponctuée par des sit-in au niveau des établissements de santé. Les revendications sont les mêmes pour lesquelles ont eu lieu les deux grèves des 4, 5, 6 et 20, 21, 22 mars dernier : amendement du statut particulier, révision du régime indemnitaire, suppression de la discrimination en matière d'imposition (IRG) des primes et indemnités versées par le secteur de la santé aux praticiens hospitalo-universitaires (10%) et aux praticiens spécialistes de santé publique (35%), promulgation de l'arrêté interministériel portant organisation du concours de passage du grade de praticien spécialiste assistant au grade de praticien spécialiste principal, signé en octobre 2011, mise en application des mesures incitatives concernant le service civil, respect de la réglementation en matière de carte sanitaire, en matière de présence des praticiens spécialistes de santé publique dans les comités médicaux et, enfin, l'octroi d'un quota national de logements de fonction au profit des praticiens spécialistes et facilitation de l'accès aux autres formules d'acquisition. «Tout ce que nous demandons au ministre, c'est de respecter ses engagements, qu'il réponde à notre plateforme de revendications point par point… au lieu d'aller dans la diffamation vis-à-vis des praticiens spécialistes. Nous lui disons d'arrêter les contrevérités et de respecter la déontologie médicale et les lois de la République», insiste le représentant des praticiens spécialistes à l'adresse du ministre de tutelle, Djamel Ould Abbès qui, lui, affirme officiellement qu'il ne reconnaît pas ce mouvement protestataire.