Photo : M. Hacène Par Younès Djama Entre la pomme de terre qui a atteint 130 DA le kilogramme, à la tomate cédée à la même valeur en passant par la banane qui affiche ostensiblement 190 DA le kilo, les ménages ne savent plus à quel saint se vouer. Notamment devant l'indifférence des pouvoirs publics et la voracité des marchands et intermédiaires de la filière agricole qui en ont fait leur chasse gardée. Alors qu'autrefois, les fluctuations au niveau des marchés des fruits et légumes, ainsi que celles touchant les produits de première nécessité répondaient à des périodes bien distinctes de l'année, au nom de la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande, depuis quelque temps, on assiste à une dérive spécifique dans tous les secteurs de l'alimentation. «Au lieu de baisser leurs prix, ils les ont augmentés, multipliés par deux ou trois fois», s'écrie une dame rencontrée au niveau du marché Ferhat-Boussaâd selon laquelle le «mot d'ordre» semble être donné entre les commerçants. Trois années sont passées après que le président de la République eut instruit son ministre du Commerce, à l'occasion d'un Conseil des ministres, pour une meilleure régulation du marché, et pourtant la flambée des prix des produits alimentaires, qui avait atteint son summum à l'occasion du mois sacré du Ramadhan, continue de défrayer la chronique. Et pour cause, les prix des principaux produits de large consommation (fruits et légumes, produits agroalimentaires), demeurent toujours en hausse en dépit des instructions fermes du chef de l'Etat. Ne se sentant visiblement pas concernés, les commerçants attendent que ces instructions soient appliquées sur le terrain. «Nous attendons toujours que les orientations du président de la République soient appliquées», affirme Tahar Boulenouar, porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa). Ce dernier a néanmoins appelé à la nécessité de créer un réseau national de distribution, qui sera à même d'assurer une stabilisation des prix sur le marché national. Cette mission appelle nécessairement, selon notre interlocuteur, l'implication des ministères de l'Intérieur, PME/PMI, Commerce, Finances… Le circuit informel, qui domine 60 % de l'activité commerciale du pays, demeure, selon Boulenouar, le principal écueil qui empêche le maintien d'un niveau de prix raisonnable. De plus, l'activité informelle érigée en véritable économie parallèle est à l'origine d'un préjudice annuel de plus de 500 milliards de dinars au Trésor public. Il est bon de souligner également que les consommateurs algériens assument une grande part de responsabilité dans la prolifération du marché informel car ne voulant pas s'affranchir de ce faux raisonnement qui consiste à acheter à des prix bas pour une qualité nettement plus inférieure. Chiffres à l'appui, Hadj Tahar Boulenouar assure que l'essentiel de l'approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle. «Et lorsque l'on sait que 90 % des produits écoulés via les circuits informels sont contrefaits on imagine aisément le danger qui plane sur la santé du consommateur», affirme-t-il.Et là encore, le rôle de l'association des consommateurs est à relever. Quid de la loi sur la protection du consommateur ? Celle-ci, de l'avis du porte-parole de l'Ugcaa, à défaut de protéger le consommateur des dangers de l'informel, «l'empêche plutôt de bénéficier des avantages de la sphère dite formelle», regrette le porte-parole de l'Ugcaa.Le rôle des APC dans l'éradication de l'informel et la régulation du marché a été mis en exergue par Hadj Tahar Boulenouar qui déplore que les collectivités ne jouent pas le jeu. «La régulation du marché n'est pas du seul ressort du ministère du Commerce. J'attire l'attention sur le fait que je ne prends pas la défense de ce ministère. Cependant, à mon avis, les assemblées élues doivent s'impliquer davantage dans cette entreprise de régulation», soutient notre interlocuteur. Pour lui, «le rôle économique et commercial des APC est tout simplement inexistant ; il ne subsiste que l'aspect administratif. Alors que le rôle premier d'une assemblée élue est justement d'appliquer un programme économique pour lequel elle a été élue». Le manque de marchés de détail est l'autre contrainte qui fait que les prix demeurent en hausse. A ce titre, le porte-parole de l'Ugcaa appelle à la généralisation des marchés de proximité. Il se félicite néanmoins de la décision des pouvoirs publics de créer un millier de marchés de proximité à l'horizon 2014. La stabilisation des prix passe, en outre, par l'allègement des charges fiscales qui continuent de peser de tout leur poids sur les commerçants légaux, obligés d'amortir leurs dépenses sur les prix à la vente. Interrogé sur les raison de la flambée qui s'est emparée des légumes secs, le porte-parole de l'Ugcaa a expliqué que les cours de ces produits sont repartis à la hausse sur les marchés mondiaux, et quand on sait que le gros des légumes secs écoulés sur le marché national provient de l'importation, il est aisé de déduire les raisons de cette flambée. De plus, ajoute Boulenouar, «certains importateurs qui ne sont pas spécialisés dans l'agroalimentaire s'adonnent à des pratiques spéculatives sur ce genre de produits dès que ces derniers enregistrent une pénurie». Sans jamais trop convaincre, le ministère du Commerce tente de rassurer en soutenant ne pas lésiner sur les moyens mis en œuvre qui ont pour effet de renforcer les outils de contrôle pour la lutte contre le commerce informel et le marché parallèle.De leur coté, les pouvoirs publics se complaisent dans leur rôle d'arbitre néanmoins sans aucune emprise palpable sur le cours des évènements. Aussi bien le ministère du Commerce que celui de l'Agriculture, tous assurent n'y être pour rien dans cette agitation qui s'empare de la mercuriale. Officiellement et logiquement, c'est aux services de commerce qu'incombe la responsabilité de régulation des prix. De même qu'ils sont censés assurer un approvisionnement suffisant en denrées alimentaires en procédant à leur stockage dans des chambres froides. Or, les pénuries se suivent avec comme conséquence une flambée exponentielle des prix, sans que l'Etat ne puisse agir efficacement. Les procédés mis en place ont, curieusement, montré toutes leurs limites. A l'instar du dispositif Syrpalac pour le stockage de la pomme de terre mis en œuvre par le ministère de l'Agriculture et du développement rural. En clair, personne ne semble s'incommoder de la détresse (car c'en est une !) des petites gens soumises aux vicissitudes de la vie et de l'humeur de la mercuriale et ceux qui sont à l'origine de ses récurrentes envolées.