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«La planification urbaine, un impératif pour des villes durables»
Le directeur exécutif d'ONU-Habitat, Joan Clos, soutient :
Publié dans La Tribune le 25 - 04 - 2012


Entretien réalisé par
Ernest Harsch

Afrique Renouveau : Comment cette urbanisation exceptionnellement rapide de l'Afrique a-t-elle influencé les approches générales du développement urbain ?
Joan Clos : Nous assistons à une urbanisation sans précédent du continent. On a déjà observé de pareils phénomènes sur d'autres continents, mais pas au rythme que connaît l'Afrique. La réponse passe par l'amélioration de l'urbanisme, par la planification du développement urbain. Au départ, c'est toujours très dur, les premières vagues migratoires vers la ville n'étant pas planifiées. Mais la mise en oeuvre dans les meilleurs délais d'une politique d'urbanisme massif dans les pays d'Afrique
s'impose.

Dans certains pays d'Afrique qui s'essayent à l'urbanisme, le processus semble souvent lent et bureaucratique, et le temps d'être mis en marche, les conditions évoluent, la croissance urbaine dépasse les projections. Est-ce que les programmes d'urbanisme peuvent véritablement suivre ?
Le problème se pose lorsque le manque de coordination entre les pouvoirs publics et la pénurie d'instruments d'urbanisme provoquent des retards importants dans la planification urbaine par rapport au rythme de la croissance urbaine. La seule solution est d'accélérer l'urbanisme, faute de pouvoir arrêter l'immigration urbaine. Si ce processus est trop complexe car il implique plusieurs ministères, il faudra le simplifier. Et s'il est trop tributaire du gouvernement central, il faudra le déléguer aux autorités locales.
Dans certaines villes d'Afrique, surtout les plus grandes, on s'est efforcé de revitaliser les centres villes, d'attirer des investisseurs et hommes d'affaires étrangers. Parfois, lorsque ceci s'est fait du sommet vers la base, il y a eu des résistances de la part des communautés locales. Comment éviter ce type de situation ?
Il s'agit d'un problème de maturité du système politique. Dans un système instable, la planification s'effectue parfois par des moyens autoritaires, sans tenir compte des droits des populations. Les approches qui ignorent le sort des populations touchées n'ont pas de raison d'être. Il y a suffisamment de place pour que tout le monde y gagne. L'urbanisme peut contribuer à créer la richesse. Et dans ce cas, il est toujours possible de la répartir. En revanche, si on essaie de développer une ville en gardant pour soi tous les acquis, c'est la voie ouverte aux conflits.

De nombreux Africains en milieu urbain n'ont d'autre choix que de vivre dans des bidonvilles. Pouvez-vous évoquer l'approche d'ONU-Habitat en matière d'assainissement participatif des bidonvilles ?
Le bidonville est, d'une certaine manière, indicatif d'une faillite de l'Etat. Les pouvoirs publics n'interviennent pas dans la plupart de ces quartiers. Ce sont les membres de ces communautés qui détiennent l'autorité. Si vous souhaitez améliorer leurs conditions de vie, il faudra vous entendre avec eux. Ce sont eux qui connaissent la situation, qui ont le pouvoir d'agir. L'installation de rues et de latrines, et d'éclairages dans les rues, entraînera dans la foulée l'ouverture de nouveaux commerces, une accélération de l'activité économique.
C'est le cercle vertueux de l'auto-développement. Certes, cela implique un investissement de départ, mais aussi un dialogue avec les acteurs de ces bidonvilles, les représentants de la communauté locale et les propriétaires d'ouvrages, pour s'entendre sur les améliorations à apporter.

Est-ce que l'assainissement des bidonvilles et l'urbanisme impliquent également une réforme foncière ?
Absolument. La sécurité foncière est étroitement liée à l'urbanisme. Nous recommandons aux gouvernements, aux autorités régionales et aux administrations locales de mener, par différents instruments législatifs et fonciers, un véritable recensement des terrains urbains. L'étape suivante est la mise en place d'une politique d'urbanisme. Cela comprend l'aménagement d'espaces publics, surtout de rues. Ces travaux empiètent parfois sur des parcelles existantes, ce qui nécessite un réajustement de la propriété. Cela suppose l'existence d'un instrument juridique, qui fait défaut dans la plupart des pays d'Afrique, autorisant un groupe de propriétaires à réaffecter leurs parts de terrains sans qu'elles perdent de leur valeur. La réaffectation des terres est une tradition vieille de plusieurs siècles sur tous les continents urbanisés. En Afrique, il faudra l'introduire et la développer.

Dans de nombreux pays africains il y a une tendance à la décentralisation des structures gouvernementales.
En quoi cela concerne le développement urbain ?
Je n'aime pas beaucoup le mot «décentralisation». Il ne rend pas bien compte de la situation. Je préfère parler de «responsabilité des pouvoirs publics locaux». L'autorité du gouvernement central est tellement faible qu'on ne peut pas parler de décentralisation. Ce qui
est nouveau, c'est que les Constitutions nationales et les accords politiques nationaux donnent désormais des pouvoirs renforcés aux
autorités locales. Ces dispositions favorisent l'épanouissement de nouvelles forces vives de la société, habilitent les pouvoirs publics locaux à imposer des impôts et créer des mécanismes fiscaux locaux. Ces mesures nécessitent une sorte d'inventaire des entreprises. Tout ceci fait que, progressivement, on assiste au renforcement de l'ensemble des capacités institutionnelles d'un pays. Je suis convaincu que d'ici 10, 15, 20 ans, les pays d'Afrique connaîtront un développement de leurs institutions locales, régionales et, bien entendu, gouvernementales, conférant une autorité accrue à l'Etat tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Qu'en est-il de la gouvernance urbaine ?
L'évolution dont je viens de parler contribuera également à améliorer la gouvernance. Certes, il y a aura encore des scandales, des problèmes. Mais, grosso modo, je pense qu'on s'achemine vers des relations et des capacités institutionnelles plus complexes et plus
complètes dans le cadre d'un Etat plus moderne. On ne peut lutter contre la corruption qu'en renforçant les institutions. C'est ce qu'exigeront les populations. Ce ne sera pas chose facile. Ça ne se passera pas sans polémique. Mais, en fin de compte, les citoyens vivront mieux, auront plus de liberté, plus de possibilités. Les jeunes d'Afrique ont de fortes revendications. Ils constitueront une force politique. Ils exigeront ces types de changements.
E. H.
In Afrique Renouveau,


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