De source proche de la crise malienne, on apprend que le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (Mnla) s'est réuni, jeudi soir, avec les tribus arabes des villes du Nord-Mali qui ont, rappelons-le, formé le Fnla (Front national de la libération de l'Azawad) qui contrôle depuis deux jours Tombouctou. Les deux fronts se sont alliés pour affronter les groupes islamistes et terroristes (Ansar Eddine, Aqmi et Mujao) qui ont fait main basse sur le Nord-Mali. Le Mnla et le Fnla ont lancé un ultimatum aux groupes terroristes pour quitter le Nord-Mali ou se repentir et ont exigé la libération dans les plus brefs délais des sept diplomates algériens, pris en otages le 5 avril dernier à Gao. Et alors qu'à Bamako, le nouveau Premier ministre malien de transition a formé son gouvernement pour un retour progressif à la paix et l'organisation d'élections, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a annoncé sa décision d'envoyer des forces militaires au Mali et en Guinée-Bissau. Selon le communiqué final des chefs d'Etat ouest-africains, réunis en sommet extraordinaire à Abidjan, le but est de «sécuriser» la transition dans ces pays déstabilisés par de graves crises politico-militaires. Pourtant, les pays de la Cédéao savent pertinemment que les Touareg, qu'ils soient membres du Mnla, du Fnla ou encore ceux du Flaa -le Front de libération de l'Aïr et de l'Azawad, proclamé par des combattants issus de la résistance Touareg et Toubou au Niger- et les Touareg algériens ont annoncé leur décision de s'allier pour combattre toute intervention de la Cédéao au Nord-Mali. Faut-il rappeler la déclaration du Flaa qui a affirmé être prêt «à une intervention à n'importe quel moment aux côtés du Mnla pour protéger son territoire historique face aux colons et prédateurs islamiques et à la Cédéao». Le Flaa dit compter environ 2 000 ex-combattants avec tout l'équipement nécessaire. Il faut relever que la décision des chefs d'Etat ouest-africains reste incompréhensible. Ces derniers voulaient intervenir une première fois après le putsch contre Amadou Toumani Touré (ATT) et sont arrivés à fixer une «feuille de route» avec les putschistes qui ont accepté le transfert du pouvoir aux civils. Il n'était alors plus question d'intervention tant que l'accord était respecté. Mais voilà que jeudi dernier et à l'issue d'un sommet, il est annoncé le commencement «avec effet immédiat du déploiement de la force d'attente de la Cédéao» au Mali. Cinq cents à six cents hommes seront déployés, fournis par au moins quatre pays, à savoir le Nigeria, le Togo, la Côte d'Ivoire et le Sénégal. Présent à ce sommet, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, M. Abdelkader Messahel, dans son intervention, a lancé un appel à la communauté internationale pour appuyer les efforts des autorités maliennes, rappelant que, pour la crise au Nord-Mali «la solution ne peut être que politique et pacifique et sera la résultante d'un dialogue inclusif entre Maliens et notamment entre le gouvernement et la rébellion touarègue». Mais l'appel de l'Algérie semble être ignoré à dessein par les pays de la Cédéao qui avec leur décision de déployer leur force, cherchent vraisemblablement à créer une situation inextricable. Celle-là même qui va légitimer l'intervention étrangère tant souhaitée par le gouvernement malien de l'époque d'ATT pour mater la rébellion Touarègue sous couvert du risque terroriste dans la région sahélo-saharienne. Faut-il relever également que la France a été le premier pays à se féliciter de la décision prise par les chefs d'Etats ouest-africains. Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, a même déclaré que «la France est prête à soutenir la Cédéao». Que cherche-t-on réellement ? Transformer le Mali en «l'Afghanistan de l'Afrique» pour légitimer l'intervention étrangère ? L'Algérie ne cesse de répéter son attachement au dialogue «qui doit tenir compte des revendications légitimes des populations du nord ainsi que de l'impératif du respect de l'intégrité territoriale du Mali», malgré les pressions qui ont été exercées sur l'Etat avec l'enlèvement des diplomates. L'intervention étrangère sur le sol malien risque d'avoir des conséquences désastreuses. Consciente de ces risques, Alger a, encore une fois, appelé les Africains «à la convergence de tous les efforts de bonne volonté aussi bien des pays du champ que ceux de l'Union africaine» afin de permettre aux autorités maliennes de faire face aux urgences auxquelles se trouve confronté le pays. H. Y.