Octobre, mois maudit pour les marchés boursiers. Après 1929, 1987 et 1989 : 2008. En trois semaines et demie, Wall Street et les autres places ont chuté de 25%. «Peut-être l'automne a-t-il une influence psychologique particulière sur l'humeur des milieux financiers : l'hiver approche», notait l'économiste John Kenneth Galbraith dans son livre consacré au krach de 1929. Le vendredi 24 octobre, qui marquait le 79e anniversaire du plongeon à Wall Street, les Bourses ont connu une nouvelle journée noire. A Paris, l'indice CAC 40 a terminé la séance en baisse de 3,54%, après avoir perdu plus de 10% en cours de journée et être passé sous la barre des 3 000 points. Tokyo a cédé 9,60%, Bombay 11%. A Wall Street, l'indice Dow Jones a reculé de 3,59% à l'issue d'une séance marquée par des mouvements de panique. Les chiffres donnent le vertige. Depuis le début de l'année, les grandes places boursières internationales ont perdu presque la moitié de leur capitalisation. Cela signifie qu'environ 25 000 milliards de dollars sont partis en fumée, soit près de deux fois le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis. Certaines places ont presque disparu du paysage. La Bourse de Reykjavik a perdu 94% de sa valeur, Moscou 72%, tout comme Bucarest. Rien n'y fait. Ni la mise en œuvre de gigantesques plans de sauvetage bancaires, ni l'annonce de plans de relance économique massifs ou les appels au calme lancés par les dirigeants politiques et monétaires ne parviennent à enrayer la chute des Bourses. Les investisseurs sont de plus en plus convaincus que l'économie mondiale n'échappera pas à une récession longue et douloureuse. Le dernier espoir qui subsistait, celui que les pays émergents résistent à la crise, est en train de s'envoler. En Chine, le marché immobilier donne des signes de craquement, ce qui risque de fragiliser l'ensemble du système bancaire. Les fermetures d'usines se multiplient, les entreprises se trouvant privées de leurs débouchés dans les pays occidentaux. En Russie et dans tous les pays producteurs de pétrole, les revenus tirés des ventes de brut fondent au fur et à mesure que le prix du baril s'écroule. Le cours du brent est tombé vendredi à 62 dollars, soit une baisse de plus de 55% en trois mois. La crise des subprimes dégénère en crise économique globale, qui menace les pays les plus faibles. Par ailleurs, aux Etats-Unis et en Europe, la contamination de «l'économie réelle» commence à se matérialiser. Selon les chiffres publiés vendredi dernier, l'économie britannique s'est contractée de 0,5% au troisième trimestre, soit le recul le plus important depuis 1990. En Espagne, le taux de chômage est remonté à son plus haut niveau depuis quatre ans. En France, le climat des affaires est tombé à son plus bas niveau depuis 1993. Quant au marché immobilier, il donne des signes de craquement. Le nombre de transactions devrait chuter de 25% en 2008, ont indiqué jeudi les notaires. Certains secteurs vacillent. Au premier rang d'entre eux, l'automobile. Renault va fermer ses usines en Europe de l'Ouest durant les vacances de la Toussaint. Le président du conseil de surveillance de Volkswagen, Ferdinand Piëch, prédit «une traversée du désert». Au vu de cette détérioration du paysage économique, les opérateurs boursiers s'attendent à un effondrement des profits des entreprises. Tous les secteurs sont touchés. Selon une étude du courtier Cazenove, les plus exposés sont, dans l'ordre, la construction, les mines, les grands magasins, l'assurance-vie et la banque. Les valeurs refuges défensives se réduisent comme peau de chagrin : produits de grande consommation, spiritueux… A la Bourse de Paris, la moins mauvaise performance revient à GDF Suez, qui affiche un recul de 21,66% depuis le début de l'année. La plus mauvaise est le fait de Renault, dont l'action a baissé de 77,12% depuis le 1er janvier.