La crise hellène s'avère tenace. Au lendemain des législatives, marquées par l'effondrement des grands partis, les espoirs en Grèce pour la formation d'un gouvernement de coalition s'amenuisent après des tractations politiques répétées. Le recours à de nouvelles élections semble la seule option au risque d'un nouveau plongeon dans l'inconnu. Les rencontres tous azimuts entre les dirigeants de tous les partis élus au Parlement, issus du scrutin du 6 mai, et le président de la République, Carolos Papoulias, se multiplient en vain. Il faut absolument un «consensus national» pour former un gouvernement avant la décision de proclamer de nouvelles élections qui, selon la Constitution, devraient le cas échéant avoir lieu dans un mois.Antonis Samaras, dirigeant de la Nouvelle-Démocratie (droite), arrivé en tête mais sans majorité, Evangélos Vénizélos (socialiste, Pasok) arrivé troisième et Fotis Kouvelis, chef du petit parti Gauche démocratique (Dimar), qui a eu la dernière place du scrutin avec 6,1% des voix, se démènent pour un accord de plus en plus urgent. Ces trois dirigeants, dont les partis représentent ensemble la majorité au Parlement grec, soit 168 sièges sur les 300, sont unanimes pour la formation d'un gouvernement de coalition. Seulement Kouvelis pose comme condition la participation de la Gauche radicale, Syriza, arrivée deuxième aux élections, qui, elle, s'oppose à cette coalition. Le chef du Syriza, Alexis Tsipras, n'est pas tendre avec ces trois partis, les accusant de vouloir former un gouvernement chargé d'appliquer un programme d'austérité «criminel».Sans revendiquer clairement une sortie de l'euro, Syriza veut absolument rompre avec le plan d'assainissement de l'économie grecque élaboré par UE et le FMI en échange de la poursuite du versement des prêts internationaux. Le parti ayant fait une percée inattendue, devenant la première force à gauche et la seconde du pays, réclame l'arrêt du paiement d'une partie de la dette. Mais Bruxelles, Berlin et d'autres capitales européennes continuent d'avertir que si la Grèce veut continuer à recevoir l'aide et être membre de la zone euro, la seule voie est la poursuite de la rigueur. C'est que l'instabilité politique en Grèce pourrait bien être l'épicentre de la crise de la dette qui frappe notamment le sud de l'Europe (Espagne, Italie et Portugal), menaçant de s'étendre aux autres pays de la zone euro. Le risque de sortie de l'euro n'est désormais plus un tabou. L'ensemble de la presse grecque reste sceptique sur un éventuel recours aux élections insistant sur «l'impasse gouvernementale et les menaces européennes.» «Syriza conduit le pays vers des élections à haut risque», souligne un quotidien. « Préfère-t-on l'euro ou la drachme ?», s'interroge un éditorialiste connu, sans esquisser de réponse. Ainsi donc le 6 mai, les électeurs ont préféré les partis hostiles à la rigueur imposée en échange des aides européennes. Les partis anti-austérité de droite et de gauche, notamment aux extrêmes, ont fait exploser le paysage politique, rendant le pays quasi ingérable. Les socialistes et la droite qui se sont succédés au pouvoir depuis la chute des colonels, en 1974, et qui gouvernent en coalition depuis la fin de l'année dernière, ont été «punis» par les électeurs. Ces partis traditionnels ne totalisent que 32% des voix réunies. La poursuite de la politique d'austérité imposée par la «troïka» FMI, Union européenne et BCE devient difficile. De facto, l'aide à Athènes a de fortes probabilités d'être gelée. L'échec des tentatives de former un gouvernement d'union suite aux législatives accentue la défiance. La sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus un tabou. La nouvelle configuration au Parlement aura le plus grand mal à poursuivre la cure d'austérité voulue par les grandes capitales européennes. Face à cette situation le magazine allemand Der Spiegel n'y va pas par quatre chemins : «Acropolis adieu : pourquoi la Grèce doit quitter l'euro !», titre-t-il. De nombreuses personnalités dans les milieux politiques et médiatiques allemands pensent que le retrait d'Athènes de la zone euro est la solution idéale à la crise hellène. «En dépit de notre scepticisme, nous avions défendu jusqu'ici le maintien de la Grèce dans la zone euro», écrit l'éditorial de l'hebdomadaire allemand. Mais, depuis les élections législatives début mai, les choses ont changé. «Les Grecs n'ont jamais été mûrs pour l'union monétaire et ne le sont toujours pas aujourd'hui. Les tentatives de soutenir ce pays par des réformes ont échoué», écrit, sentencieux, le journal allemand de référence. Le retrait de la zone euro donnerait à la Grèce sa «seule et unique chance de sortir de la crise à long terme». L'année dernière, les européens, Paris et Berlin en tête, ont cru éviter l'implosion en obtenant l'annulation du référendum prévu par Papandréou. Finalement ils n'ont fait que reculer l'échéance. L'impasse grecque, qui risque fortement de virer à la tragédie, en a décidé autrement. M. B.