La République démocratique du Congo, un autre pays de l'Afrique à avoir connu la colonisation, n'arrive toujours pas à chasser les vieux démons et à mettre fin à la guerre fratricide qui déchire l'unité de son peuple. Cette ancienne colonie belge est confrontée depuis son indépendance en 1960 à une succession de violences, œuvre de différents groupes armés dont la soif pour le pouvoir empêche la construction de la RDC. Mais c'est surtout du côté du Nord-Kivu que la lutte se fait plus dramatique sur le plan humain, une zone située à la frontière avec le Rwanda et l'Ouganda. La reprise des affrontements armés, depuis fin avril, dans le Nord-Kivu était prévisible pour certains analystes qui estiment qu'une nouvelle guerre plongera toute la région des Grands-Lacs dans l'instabilité. Au-delà du nombre de morts et de réfugiés qu'elle pourrait engendrer, une nouvelle guerre entre l'armée régulière et les ex-rebelles du Cndp (le Congrès national pour la défense des peuples), empêcherait sérieusement le processus de reconstruction de la RDC. La création d'un nouveau groupe armé qui se fait appeler M23 (en référence au 23 mars 2009), et qui réclame l'application des accords de 2009, signés entre Kinshasa et l'ex-Cndp historique, a aggravé les tensions. L'armée congolaise était en fait contrainte au début de cette semaine d'utiliser son aviation pour venir à bout de ce groupuscule armé, dirigé par le colonel Sultani Makenga. Mais quels sont les enjeux de toute cette instabilité qui fait du Nord-Kivu une véritable «poudrière» ? pour reprendre l'expression des analystes et autres observateurs de l'actualité en Afrique Centrale. Acteurs et enjeux d'un conflit Avant de parler des enjeux de cette succession de violences, dans le Nord-Kivu particulièrement, il faudrait évoquer les différentes parties impliquées. Outre l'ex-Cndp et le M23, on retrouve aussi les milices Maï Maï (eau-eau en dialecte local) qui profitent du désœuvrement de la population pour renforcer leurs rangs et devenir ainsi un acteur majeur dans cette interminable crise. L'on recense aussi le Front Démocratique de libération du Rwanda (Fdlr) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc, milices loyales au gouvernement de Kinshasa). Au milieu de cette poudrière, l'on ne peut oublier la présence de la mission onusienne de maintien de la paix (Monuc) dont le rôle demeure limité dans la zone où ces différents groupes essayent d'étendre leur influence pour y asseoir leur contrôle. Ces groupes luttent en fait pour le contrôle des richesses minières, une des raisons majeures de cette instabilité dans l'ensemble de la sous-région des Grands-Lacs. Ils se sont mêmes partagé, illicitement, les sites d'exploitation de ces gisements. «L'économie minière s'articule étroitement avec la guerre et la sécurité. Tous les acteurs du conflit participent au pillage des ressources, soit pour financer l'achat des armes, soit pour des raisons d'enrichissement personnel», a noté Roland Pourtier dans son analyse sur la guerre en RDC, parue dans la revue EchoGéo en 2009. «Dans un contexte d'anomie généralisée, la seule loi qui prévale sur le terrain est celle de la kalachnikov», a-t-il encore ajouté. Et d'expliquer que «si le conflit perdure c'est en grande partie parce que beaucoup d'acteurs extérieurs y trouvent leur intérêt. Pour le Rwanda, la perpétuation de la confusion au Kivu favorise son entreprise de peuplement, ses positions économiques dans la commercialisation des ressources minières et son influence politique». Cette instabilité et confusion profitent aussi aux multinationales et autres pilleurs de minerais. «Pour les multinationales et plus généralement toutes les entreprises mondialisées, les productions extraites du sous-sol du Kivu par une multitude de creuseurs misérables sont une aubaine car mises sur le marché à vil prix, elles permettent des bénéfices considérables tout au long d'une chaîne de commercialisation où les activités réputées licites frayent sans vergogne avec le monde obscur de l'illicite». Ainsi, les rivalités ethniques et identitaires ne justifient qu'en partie la poursuite de la guerre en RDC, avec son lot de victimes civiles et de déplacés dont le nombre dépassé les deux millions, selon les ONG. En résumé, la reconstruction de la RDC passe par la stabilisation du Nord-Kivu et la reprise par Kinshasa des exploitations minières qui constitue l'élément déclencheur de cette guerre. L'Union africaine devrait aussi jouer son rôle dans la région en encourageant la mise en place d'un système économique d'intégration, associant tous les pays voisins à la RDC. Il faudrait juste qu'il y ait un peu de volonté politique des dirigeants des Etats concernés. L. M.