La Tribune : Une politique ambitieuse pour le développement du tourisme a été mise en place mais le secteur peine à prendre son envol. Pourquoi ? Smaïl Mimoune : Comme tout secteur, que ce soit le tourisme ou autre, lorsqu'un grand retard est accusé ce n'est pas du jour au lendemain qu'on peut parler de son envol, et ça je le dis en toute sincérité. J'ai géré le secteur de la pêche pendant 8 ans également et je déclarais souvent à la presse, (l'une des déclarations je me souviens en plus c'était à la Tribune) qu'il y aura du poisson pour tous le monde mais ce n'est pas pour demain. Et pour le tourisme, nous avons élaboré une stratégie de développement et sa mise en œuvre s'étale jusqu'à l'horizon 2030. Car, il y a beaucoup à faire par exemple dans le domaine de la formation pour améliorer les prestations de service etc. De même que la révision des contenus de cette formation. Il y a la question de l'intersectorialité à régler avec tous les départements ministériels, les affaires étrangères, les transports, les ressources en eau soit tous les ministères liés directement au tourisme. Il y a également la question de la professionnalisation. Les agences de voyages doivent utiliser les moyens modernes pour communiquer, parce que le citoyen est à la recherche d'offres pour ses vacances. Pour l'investissement, nous accusons aussi un retard considérable dans les capacités d'hébergement. Pour attirer les investisseurs après une période de 10 années de terrorisme ce n'était pas chose aisée puisque le secteur a été délaissé, et les opérateurs préféraient investir dans le PME, le commerce plutôt que dans ce créneau, et c'est de bonne guerre. Il fallait du temps pour rétablir cette confiance et sensibiliser les investisseurs. Maintenant, le nombre important de projets en cours de réalisation (700) dénote tout l'intérêt affiché par les investisseurs et un regain du dynamisme dans le secteur. Les choses vont doucement et viendra le jour où l'Algérie deviendra un pôle touristique par excellence au niveau du Bassin méditerranéen.
Le tourisme vert s'impose aujourd'hui de par le monde, quels sont les moyens à mettre en place par l'Algérie pour assurer son développement ? Nous disposons de potentialités énormes dans tous les domaines et l'Algérie n'a pas de problèmes de saisonnalité. Le tourisme peut se faire à longueur d'années et le tourisme vert, qui est une composante du tourisme écologique, peut faire l'objet d'une alternative à l'avenir s'il y a pression sur les mêmes produits touristiques. Donc aujourd'hui, même si le tourisme vert à travers le monde et dans le monde arabe n'a pas encore pris son élan nous devons, en élaborant des stratégies, prévoir les éléments qui assurent le développement de ce créneau. Le Conseil des ministres arabes du tourisme, qui s'était tenu dans sa 14e session à Aqaba, en Jordanie, au mois de septembre 2012, avait proposé l'organisation d'une journée d'étude sur le tourisme vert et l'Algérie s'est portée volontaire pour l'abriter et nous avons programmé cette date, en la faisant coïncider avec le Salon International du tourisme, pour mettre les premiers jalons d'une future stratégie sur le tourisme vert qui peut être un créneau important. En Algérie, nous avons 8 parcs nationaux, El Kala, Batna, Chréa, les îles Habibas… Ces espaces peuvent justement faire l'objet de développement du tourisme vert. Nous avons aussi des milieux forestiers qui peuvent être développés dans ce créneau. Et puis le citoyen, qu'il soit algérien ou étranger, aspire à exploiter les milieux naturels, et cela fait partie des besoins des clients aussi bien dans le monde arabe que dans tous les pays du monde. Nos sportifs, par exemple, se rendent à l'étranger pour leurs stages bloqués alors que nous avons des espaces importants en Algérie qui peuvent les abriter. Les projets d'investissements pour exploiter les milieux naturels doivent être légers, et il faut que les infrastructures soient respectueuses de l'environnement. Donc c'est des réalisations en bois. C'est ce genre d'infrastructures que vous pouvez voir au parc d'El Kala, plus précisément autour du lac Melah, et Oubeira. Ce sont des bungalows et des petites auberges en bois. Dans ces espaces on ne peut pas construire en dur au risque d'affecter l'environnement. Une planification rigoureuse doit être faite pour éviter un impact négatif dans le futur.
Pendant qu'on parle de développement du tourisme national pour les nationaux en les incitant à visiter le pays voilà que des réductions de l'ordre de 50%, notamment sur les lignes internationales, sont offertes par la compagnie Air Algerie. Il y a là comme une contradiction ou un problème de coordination. Qu'en pensez-vous ? Ecoutez, nous sommes sur plusieurs fronts pour le développement du tourisme interne, le tourisme domestique et des nationaux résidents à l'étranger entre autre pour la tarification des transports. Et le transport ce n'est pas une problématique qu'on rencontre uniquement en Algérie. Cette problématique est discutée à différents niveaux et dans des conférences internationales même pour des pays développés. Nous avons fait une première tentative avec Air Algérie pour justement programmer des vols charters et des tarifications en faveur du citoyen, parce que le transport demeure l'axe le plus important pour le développement du tourisme des nationaux. Donc nous avons obtenu cette réduction. Ecoutez, pour la réduction pour aller vers d'autres pays, Air Algérie est une entreprise nationale qui a un effectif important et qui doit tourner à longueur d'année. En faisant une étude, elle a constaté qu'il y a des vols vides alors qu'ils ont besoin de financer leurs charges en carburant. Ils proposent donc des tarifs promotionnels comme par exemple Paris à 29 000 DA, il y a 15 jours de cela. Mais ces tarifs promotionnels sont pour des périodes déterminées et pour un certain nombre de sièges et non pas toutes les capacités de l'avion. Et puis, et c'est de bonne guerre, pour que l'entreprise soit viable elle offre des formules pour attirer la clientèle, d'autant plus qu'il y a des entreprises étrangères qui le font.
Comment vont les préparatifs de la saison estivale ? Comme l'année dernière, on s'est pris à l'avance et on a organisé des rencontres régionales à l'Est, à l'Ouest et au Centre. Ont pris part à ces rencontres les collectivités locales surtout et les différentes directions des exécutifs concernées par la préparation de la saison estivale. Il y a des commissions locales présidées par les walis pour gérer la préparation de cette saison, de même qu'une cellule de veille nationale pour son suivi sur les 14 wilayas littorales, en assurant d'abord le nettoyage des plages, mais aussi la question des concessions au profit des professionnels, l'hygiène, l'alimentation en eau potable, l'amenée d'énergie électrique, parce que le mois de carême coïncidera avec la saison estivale. Et nous savons que beaucoup d'estivants fréquentent les plages la nuit. L'année passée il y a eu, dans plusieurs wilayas littorales, l'amenée d'énergie électrique et des projecteurs pour permettre aux citoyens de profiter de cette saison pendant la nuit. Des budgets sont aussi mobilisés par les différentes wilayas pour la préparation de cette saison estivale, et d'année en année nous constatons l'augmentation des moyens financiers pour assurer sa réussite. Il s'agit là du rôle de l'Etat. Mais il y a aussi la relation qui doit exister entre les opérateurs économiques, à savoir les hôteliers et les agences de voyages qui doivent mobiliser les touristes, les nationaux et les nationaux résidents à l'étranger qui se rendent en Algérie et qui doivent être pris en charge par les agences de voyages, en leur offrant des formules de vacances etc. Tout le monde doit contribuer à la réussite de cette opération. La nouveauté pour cette saison estivale c'est le reversement de la taxe de la concession des plages aux collectivités locales et non aux domaines comme c'était le cas avant. Comme c'est les collectivités locales qui préparent cette saison, et pour leur donner davantage de moyens nous avons inséré une mesure législative pour reverser cette taxe aux collectivités locales.