Après une semaine riche en découvertes et où le public de Béchar très amateur de diwane a pu assister de très près à une compétition de qualité variante, le jury de la 6e édition du Festival national de musique diwane a rendu public son verdit, jeudi dernier, en décernant le grand prix de cette année à la troupe Gnaoua El Ouaha de la ville de Béchar, gratifiant ainsi les gens de cette région pour leurs efforts en matière de sauvegarde du patrimoine immatériel et leur savoir-faire.Avec mâalem Abdelaoui Abdelhakem comme leader, la troupe diwane el Ouaha qui s'est produite au stade Ennasr lors du dernier soir de la compétition a tout simplement subjugué le public et les invités du festival en rehaussant d'un cran la qualité des prestations jusque-là, relativement, modestes. Alliant danse et maîtrise parfaite du gumbri et des karkabous, Diwane El Ouaha a été parmi les rares troupes en compétition à avoir honoré la véritable tradition du diwane.Le jury le confirmera en lui attribuant la première distinction du festival. Mais pour le reste du palmarès, les choix du jury seront une douche froide pour le public et susciteront des interrogations quant aux critères qui ont accouché de cette sélection pour le moins incompréhensible. En effet, si le grand prix est hautement mérité par ses lauréats, le jury a étonné plus d'un en décernant la seconde place à la troupe Diwane El Bahdja d'Alger, une troupe au niveau tout juste moyen qui n'a pas marqué les esprits par son passage, contrairement à d'autres troupes. Plus aberrante encore sera la décision de remettre le 3e prix à une chanteuse de variété marocaine qui n'a rien à voir avec le genre diwane, à savoir Nora Gnaoua. Concernant le prix spécial instauré cette année, celui du meilleur joueur de gumbri a été attribué ex aequo au mâalem Abdelawi Abdelhakem et au jeune Nassim Chettouh de diwane El Bahdja. Là encore, on se pose des questions sur les critères retenus par les jurys dans leur choix. Questions qui resteront pendantes, car la première personne qui aurait pu y répondre, le président du jury en l'occurrence, Lahcen Moussaoui, a dit la chose et son contraire en l'espace d'une soirée. Dans son allocution d'ouverture, M. Moussaoui, relayant les remarques du jury par rapport à l'organisation du festival, recommandera la création de compétitions régionales pour les présélections, avant d'appeler à la sauvegarde du diwane comme art traditionnel qui est phagocyté par la modernité avec l'introduction de nouveaux instruments et de nouveaux styles. Et ce même responsable, qui se pose comme défenseur du patrimoine et qui dénonce la dénaturation du diwane, a présidé un jury qui a récompensé une chanteuse de variété et une jeune troupe d'Alger dont les membres n'ont rien à voir avec le diwane ! N'est-ce pas là la manière la plus flagrante de se dédire et se contredire ?Les contradictions du jury seront plus flagrantes avec la décision des organisateurs de rendre un hommage plus que mérité à l'un des plus anciens maîtres du diwane, à savoir mâalem Behaz de diwane gnaoua Blida, un homme qui a consacré toute sa vie au diwane et à sa transmission à la nouvelle génération. Or, la troupe de ce grand homme, honoré ce soir, faisait partie de la liste des troupes en compétition et n'a décroché aucun prix ! En fait, les choix du jury peuvent être expliqués par un seul et unique objectif : vouloir contenter tout le monde en équilibrant la distribution des prix pour qu'aucune région représentée ou invitée ne se sente lésée. Cette explication sera confortée par la décision des organisateurs d'honorer à la fois le wali de Béchar, les membres de la wilaya et le maire alors qu'on aurait pu se contenter de les remercier chaleureusement pour leur soutien au festival, si soutien il y a eu. Est-ce la mission et le rôle d'un festival artistique que l'on dit consacré au diwane de faire mousser les autorités locales !?