Beaucoup affirment qu'il faut encourager et assurer la relève dans le champ culturel, mais rares sont ceux qui traduisent leurs mots en actes. Elle semble révolue l'époque où un immense Cherif Kheddam et un magistral Kamel Hamadi prenaient sous leur aile de jeunes artistes pour en faire des Aït Menguellet et des Idir. Aujourd'hui, après environ vingt longues années de chanson festive «sans odeur», des textes «sans éclat» et une musique «sans couleur», le constat est amer. Il n'y a pas une relève importante dans la chanson kabyle, et les rares chanteurs qui se donnent de la peine pour produire de belles choses n'ont pas réussi à séduire un large public, notamment dans la wilaya de Tizi Ouzou. Pourtant, les jeunes chanteurs, qui ont émergé hors du carcan de la médiocrité et ont résisté, tant bien que mal, au vide culturel et artistique qui a régné longtemps en Kabylie, ont besoin du soutien du public pour pouvoir évoluer et «survivre» en tant qu'artistes.Des artistes comme Ali Amran, Karim Yeddou, Cheikh Sidi Bémol, Zimu et Taouès Arhab, avec leurs différents styles et thématiques, ne peuvent avancer et promouvoir leur art que si le public les suit dans leurs pérégrinations artistiques, eux qui manient la note et le texte comme des artisans cisellent leurs bijoux. Ils font partie de cette génération d'artistes qui n'ont pas eu la chance d'avoir des mentors pour les orienter, les aider et leur apprendre comment perfectionner leur art. Ils se sont formés seuls, comme seul guide, leurs idoles d'ici et d'ailleurs. De la pop music à la chanson kabyle classique, en passant par la country et le folk-rock, la chanson kabyle qui résiste à la domination du rythme et des paroles à trois syllabes, touche à toutes les notes universelles, sans perdre son âme foncièrement kabyle.Les pouvoirs publics commencent à peine à les découvrir et à leur offrir des occasions de se produire, mais il serait plus judicieux de se tourner vers des artistes plus jeunes, des artistes en herbe qui disposent d'atouts pour percer, comme l'ont fait leurs «jeunes aînés». De se tourner aussi et surtout vers de jeunes acteurs culturels et artistiques des autres disciplines qui se noient dans le vide sidéral laissé par la décennie de feu et de sang que l'Algérie a subie durant les années 1990. L'amateurisme persistant dans l'activité théâtrale n'est pas de bon augure pour le quatrième art qui ne se remet pas encore de l'instabilité qui a caractérisé la direction du théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou depuis son inauguration en novembre 2010. L'équipe dirigée par Fouzia Aït El Hadj travaillait bien avant l'inauguration, à assurer la relève dans l'activité en organisant des sessions de formation à des dizaines d'animateurs culturels de la région. Quatre mois à peine après une inauguration en grande pompe, elle sera poussée à la porte pour des considérations qui n'ont rien à voir avec l'activité théâtrale. Cela sentait le roussi et le théâtre professionnel a brûlé de ses ailes, en attendant que des mesures salutaires soient prises, en faveur de professionnels jaloux de leur art.Il faut admettre que le théâtre n'est pas la seule activité culturelle qui ne voit pas une relève émerger. Pratiquement, toutes les autres disciplines artistiques et culturelles sont atteintes de ce phénomène d'absence de relève. Une situation née du vide culturel qui a pris place, il y a quelque vingt ans, et qui n'arrive pas à trouver les espaces adéquats pour que la relève connaisse l'éclosion souhaitée. C'est que ce vide commence à la base. L'école a abandonné la culture et l'art depuis longtemps et les quelques petits cours dispensés dans les nombreux ateliers de la maison de la culture Mouloud Mammeri ne sont pas encore à même d'assurer une continuité sur la scène culturelle et artistique et une alimentation pérenne de cette même scène en artistes en herbe et en graines de star susceptibles de constituer la relève nécessaire. En attendant que les pouvoirs publics recentrent la mission de l'école pour plus d'art et de culture, la permission de rêver est la seule chose disponible.