De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Vingt années après les graves troubles que notre pays a connus et toutes ses conséquences désastreuses sur la sécurité des Algériens, mais aussi sur leur économie et leur culture. Les effets se ressentent encore, pour le secteur de la culture principalement. En effet, le désert s'est installé très vite vu que, pour les pouvoirs publics, avec des caisses vides, il n'était pas question d'allouer un sou à un secteur considéré comme superflu ou de luxe dans la conjoncture catastrophique de l'époque. La wilaya de Tizi Ouzou a non seulement vu son secteur de la culture abandonné mais surtout ses quelques infrastructures culturelles fermées l'une après l'autre, au grand dam de l'activité culturelle et artistique. Face au désert culturel qui régnait à l'époque, le public s'est dispersé à la «faveur» de la crise multidimensionnelle à laquelle il faisait face au moment où le champ artistique et culturel était envahi par une armada d'artistes spécialisés dans le bricolage, que ce soit dans la chanson ou dans les autres disciplines artistiques. Dans cette situation, le public mélomane et autre férus d'activités culturelles et artistiques, privés de la chanson à texte, du théâtre professionnel et du septième art dont les salles de cinéma ont été entièrement fermées, a tout simplement déserté l'art et la culture laissant place à une génération de jeunes, pas très regardants sur la qualité des produits présentés. C'est ainsi que la chanson légère, trop légère et rythmée est devenue la reine du hit-parade, pendant de longues années, au point où les nouveaux artistes qui ont opté pour la chanson à texte et les belles mélodies n'ont pas trouvé de place sur l'échiquier artistique de la wilaya. Mais depuis quelques petites années et avec l'arrivée d'une nouvelle génération de jeunes, les choses sont en train de changer sur la scène artistique de la région. Un public, de plus en plus jeune, est de plus en plus exigeant en termes de qualité des produits proposés. Après une déconnexion totale de la véritable culture, le public culturel et artistique est en train de faire sa mue et devient plus regardant sur ce qu'on lui sert. «C'est une belle coïncidence. Cette nouvelle génération de jeunes est née avec l'apparition de nouveaux artistes qui semblent donner une nouvelle vie à la chanson kabyle» dit un disquaire, en citant Ali Amran, Karim Yeddou et le tout nouveau Mohsa qui vient d'enregistrer son premier album où l'influence des artistes Idir et Si Moh est évidente. Un libraire du centre-ville de Tizi Ouzou dit aussi avoir remarqué ce changement, dans le monde du théâtre qui coïncide avec la réouverture du théâtre régional Kateb Yacine de la ville des Genêts. «Le théâtre est en train de renaître et le public, même s'il ne suit pas en masse, ne tardera pas à le rejoindre, vu les efforts consentis par les comédiens et l'ex-directrice du théâtre régional et son équipe», assure notre interlocuteur en soulignant son espoir de voir le nouveau directeur aller de l'avant et continuer l'œuvre de celle qu'il remplace aujourd'hui. Il y a certainement un effort supplémentaire à fournir pour que le public de Tizi Ouzou quitte définitivement cette culture fast-food qu'il a adoptée durant les années noires. Un effort que devront consentir les pouvoirs publics, mais aussi tous les artistes et autres hommes de culture qui ne se reconnaissent pas dans la culture exclusivement festive et foncièrement médiocre en vogue depuis les années quatre-vingt-dix. La problématique des infrastructures se pose toujours pour cette wilaya qui se contente aujourd'hui de la maison de la culture Mouloud Mammeri et du théâtre régional. Le conservatoire de musique, en projet, jouera certainement un rôle dans ce sens, si sa réalisation ne dure pas une éternité, comme tous les autres projets culturels inscrits pour la wilaya de Tizi Ouzou. En somme, le public est prêt à changer, il n'attend qu'un «coup de pouce» pour en finir avec la médiocrité artistique et culturelle qui a gangrené la vie culturelle de la région. Sans ces efforts supplémentaires, le public restera coincé dans les méandres du bricolage et de la médiocrité.