L'union pour la Méditerranée sera au centre des discussions de la rencontre de Kouchner, aujourd'hui, avec les responsables algériens. La France qui a, au prix d'un recadrage du projet initial, calmé l'Europe du Nord, sceptique, voire hostile, a besoin de s'assurer que le flanc sud de la Méditerranée soit de la partie. Le plus grand projet diplomatique de Nicolas Sarkozy risquerait d'être entaché si la séance inaugurale de l'union pour la Méditerranée, le 13 juillet prochain, était marquée par des absences importantes des chefs d'Etat de la rive sud. L'Algérie a déjà signifié qu'elle en acceptait le principe sous réserve de connaître son contenu concret. Les questions bilatérales ne sont pas mauvaises, en dépit des frictions substantielles sur la question de l'histoire coloniale. Dans ce domaine, les propos de l'ambassadeur de France, Bernard Bajolet, à Guelma, au sujet des massacres du 8 mai 1945, une avancée indéniable en matière de formulation officielle française, sont bien un message en direction d'Alger : on peut avancer sur cette question. Il y a une question de rythme à gérer pour le rendre acceptable en France. Le fait que Bouteflika, sans faire référence au discours de Bernard Bajolet, se dise «extrêmement attentif à toutes les voix qui s'élèvent en France contre le déni de l'Histoire», laisse entendre qu'il a été entendu. La participation de Bouteflika au sommet de Paris est vivement souhaitée côté français. Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, les contentieux entre l'Algérie et la France sur l'histoire ou les divergences connues sur le dossier du Sahara occidental ne constituent pas des obstacles majeurs. La présence d'Israël à Paris en juillet prochain risque de provoquer la défection de certains chefs d'Etat arabes, d'autant plus que l'Etat hébreu continue sa politique expansionniste et agressive en Palestine. Sarkozy s'est déjà acquis l'adhésion, sans réserve, du Maroc et de la Tunisie à son projet d'union pour la Méditerranée. Il manque au président français celle de l'Algérie, dont les autorités ont, certes, exprimé leur intérêt pour l'initiative française mais déclaré, aussi, attendre d'en connaître son contenu exact pour se prononcer. L'Elysée à décodé l'attitude algérienne comme exprimant une tiédeur pouvant masquer l'éventuel refus d'Alger d'avaliser le projet français. Pour s'en assurer, Sarkozy a dépêché à Alger, en moins d'une semaine, deux ministres importants. Michèle Alliot-Marie et Bernard Kouchner ont été chargés de tenter de lever les éventuelles réticences que nourrirait le président Bouteflika à l'égard du projet de l'union pour la Méditerranée. Kouchner sera donc aujourd'hui à Alger avec, aussi, l'objectif de faire confirmer, par le président algérien, sa présence au sommet de Paris du 13 juillet prévu pour donner le départ à la création de l'union pour la Méditerranée. La mission d'Alger du ministre français des Affaires étrangères n'est pas aussi aisée qu'elle en a l'air. Cela, pour la raison qu'à Alger l'on croit, à tort ou à raison, que bien qu'officiellement la France déclare considérer l'Algérie comme «un acteur majeur» dans la construction envisagée, elle fait tout, en réalité, pour minorer la place et le rôle de celle-ci en son sein. Michèle Alliot-Marie a qualifié de rumeurs sans fondement les bruits qui accréditent une telle perception de la position française à l'égard de l'Algérie. Il n'en demeure pas moins que les autorités algériennes ont d'autres raisons de ne pas verser dans l'enthousiasme pour ce projet d'union pour la Méditerranée. D'abord parce qu'il semble bien que le président français ait conçu son projet autour de préoccupations et d'objectifs propres aux Etats européens auxquels ceux de la rive sud seront conviés à s'associer, en priorité, avant ceux dont ils sont demandeurs. Sarkozy n'a, en effet, mis en avant jusqu'à maintenant que les problèmes de sécurité qui, de son point de vue, justifient son projet d'union pour la Méditerranée. L'Algérie, en tout cas, est légitimement en droit de s'assurer qu'il sera tenu compte de ses intérêts tant politiques qu'économiques dans cette union et, surtout, à ne pas être confinée au rôle de supplétif du Vieux Continent. A. G.